2012 : le débat ne fait que commencer…

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Arnaud Kalika - Sputnik Afrique
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"L’avenir échappe à la prévision" écrivait Marx et le "printemps arabe" tend à montrer que l’Occident n’est pas encore parvenu à maîtrise son agenda géopolitique.

"L’avenir échappe à la prévision" écrivait Marx et le "printemps arabe" tend à montrer que l’Occident n’est pas encore parvenu à maîtrise son agenda géopolitique. Alors que seuls les Etats restent capables d’encadrer la liberté pour éviter au désordre de prospérer et de porter un tyran encore plus arbitraire au pouvoir, les peuples du XXIe siècle semblent fatigués d’un système politique global qui vacille.

L’illusion démocratique du suffrage universel ne suffit plus pour assouvir la soif de l’ensemble des peuples à vivre d’une liberté réelle. Le monde dans lequel nous vivons et où nos enfants grandiront vit l’une des périodes charnières de son existence. Sera-t-il secoué par de nouvelles convulsions révolutionnaires ? Les situations nouvelles seront-elles plus justes que les précédentes ? En Russie comme en France, le projet présidentiel 2012 n’est pas assez conscient de ces réalités et de cet appel des couches basses de la société à davantage de fraternité politique.

Projets 2012 : bannir le " bling-bling "

En Russie comme en France, le sommet de l’Etat joue des apparences. On se souvient de Dmitri Medvedev inaugurant l’Ecole de management de Skolkovo au volant de la nouvelle Porsche Cayenne, de Vladimir Poutine en Formule 1, ou encore de Nicolas Sarkozy collectionnant les stylos de luxe. Le projet 2012 repositionnera-t-il l’argent à sa place pour se consacrer aux financements de grands travaux, loin des Egos de chef de l’Etat ?

La puissance destructrice de l’argent sème le doute la une planète " démondialisée ". Dans le processus évolutionniste du capitalisme industriel tel que Schumpeter le conçoit, une mutation industrielle en détruit une autre selon un cycle de " destruction créatrice ". Sur les cendres de la guerre froide, l’accélération du rôle de la monnaie comme seule courroie de distribution de l’évolution des sociétés saute aux yeux. Ce qui surprend, ce ne sont pas les bulles financières qui explosent pour renaître sous un jour nouveau en économie de cash. Durant la République de Florence et de l’adoration des Medicis, les Finances réglaient déjà les affaires du monde au travers de banquiers comparés à des divinités. Ce qui surprend aujourd’hui, c’est la vitesse des événements et le plongeon dépressif d’un monde qui a la nostalgie mystique de ses ordres anciens. L’Etat tape-à-l’œil exaspère. Ce trop-plein de " peopolisation " de la vie politique " twitée " se traduit par la pression des extrêmes, le repli sur soi et l’enracinement des comportements sectaires. Une perte de légitimité qui fragilise non seulement la cohésion intérieure des Etats mais l’ensemble de la société internationale en quête d’une identité post guerre froide qu’elle peine à esquisser.

Projets 2012 : défis incontournables

Avec 9 milliards d’être humains en 2050 et une espérance de vie élastique, le monde se sent étriqué et il faudra une géopolitique des plus réalistes pour tenter d’accompagner les mouvements tectoniques sociétaux qui s’annoncent.

Parmi les défis identifiés par les puissants de ce monde (Etats-Unis), on relève l’imposition de la démocratie, la lutte contre l’identitarisme et le déséquilibre écologique entre l’homme et son espace. L’imposition de la démocratie est, si l’on en croit les déclarations de Washington, sur la bonne voie. Saddam Hussein, Ben Laden et Kadhafi ont été éliminés et Al Qaeda ébranlée. " Justice est faite " a dit Obama en mémoire aux morts du 11 septembre. Demain, le régime alaouite d’Assad se délitera, et l’Iran sera mis au pas soit par des sanctions, soit par des frappes. Après de nouvelles effusions de sang, un nouveau " Grand Moyen-Orient ", image rêvée des néoconservateurs américains jadis emmenés par Alan Bloom et Leo Strauss, surgira d’outre-tombe. Si c’est cela l’imposition de la démocratie, réinstaurer la guerre et le sang comme le moteur des relations internationales, il y a de quoi s’interroger sur l’avenir de nos enfants. Veut-on que leur monde redevienne ce huit clos de Sartre qui donne la nausée ?

L’identitarisme et ses relents nationalistes sont la conséquence logique d’un système international cupide et laxiste avec les criminels. Les populations ont le sentiment d’être volées par leurs gouvernants et le syndrome du " tous pourris " tant bannis par les classes politiques européennes est aujourd’hui sur toutes les lèvres. A cet égard, la crise en Belgique se passe de commentaires…

Reste l’écologie. Certains voient dans les verts un pouvoir tyrannique pire que les autres parce qu’aucun leader vert n’a réellement de projet politique. Comment peut-on être contre le nucléaire et contre le progrès de la science ? L’écologie fait bien entendu partie de chacun d’entre nous. C’est un mode de vie, un opium quotidien, une prise de conscience pour la protection de la planète, mais en aucun cas un programme politique pertinent. Mais que chacun se rassure, le parti des Verts œuvre pour notre bien et ne sert les intérêts de personne ! Un peu comme si chacun se trouvait dépassé par son environnement avec un homme qui reste le prédateur le plus féroce de la nature. Ce qui dérange, ici, c’est la politisation du sujet dans un brouhaha démagogique où la survie de l’humanité serait en jeu.

Projets 2012 : l’enjeu européen

Minée par ses dissensions internes qui affectent les interstices de son appareil administratif, l’Union Européenne n’est plus sereine. Elle est verrouillée par le couple franco-allemand mais dans le cas français, l’avenir est biaisé par son nouveau positionnement dans l’Otan. D’un côté, l’intégration totale de la France dans l’Otan offre davantage de fluidité opérationnelle. De l’autre, au plan politique, la souveraineté de Paris est affaissée et sa politique extérieure s’inscrit systématiquement dans une position suiviste otanienne. L’UE, malgré tous ses efforts, ne parvient pas à distancer l’Otan. Et la crise grecque donne raison aux atlantistes… Pour la Russie, l’UE doit rester un partenaire fort mais il ne faut pas se leurrer, la politique russe a toujours préféré traiter les sujets en bilatéral plutôt que de chercher un interlocuteur unique. En ce sens, vu de Moscou, le statu quo ante européen est une bonne chose. Ce qui l’est moins, c’est la prise d’influence de l’Otan. Et l’on peut penser que le prochain président russe, dans la mise à jour de sa doctrine militaire, continuera d’avoir l’Otan en toile de fond de ses options stratégiques.

Et l’Homme en 2012 ?

Au total, 2012 n’ouvre que peu de perspectives pacifiques au plan des relations internationales. Un peu comme si le monde se laissait séduire par le désastre. Pascal Bruckner constate que l’Homme tend à vouloir expier ses fautes au travers d’un fanatisme idéologique et d’une culture de l’auto-flagellation. L’Homme serait coupable de tout et l’avenir, si l’on veut que nos enfants vivent bien, sera encadré par des commissaires politiques rédempteurs.

Dans le débat 2012, c’est bien la question de l’Homme et de son positionnement dans la société qui pose problème. La volonté de reconnaissance, le communautarisme, la religion… autant de facteurs qui ont précipité la chute de régimes au sud de la Méditerranée et à propos desquels les projets 2012, pour la France et la Russie, devront apporter des éclairages.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

*Arnaud Kalika, Directeur du séminaire Russie-CEI à l’université Paris II

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