Boston, le Canada… à qui le tour ? Pourquoi, en avril 2013, des actes terroristes insensés et impitoyables ont été commis (ou presque) sur des territoires jusqu'à présent épargnés ?
Existe-il un vaccin contre le nouveau type de terrorisme qui apparaît aujourd’hui ?
Je relis ces lignes et ne cache pas mon désespoir. Je suis persuadé que l'expression "vaccin contre le terrorisme" n'a absolument aucun sens. La seule chose qui soit stable dans la vie, c'est l'instabilité totale. Et les actes terroristes font partie intégrante de cette instabilité.
Certains mouvements peuvent faire partie du passé voire disparaître de notre mémoire. Disparaître à tel point qu'une simple énumération de faits autrefois connus et indiscutables peut provoquer à la fois surprise et choc.
Est-ce que le nom d’"Irgoun" vous dit quelque chose ? Non ? Pendant la seconde moitié des années 1940, il était très connu. Irgoun se traduit de l'hébreu comme "Organisation militaire nationale de la terre d'Israël".
Cette organisation se battait pour la sortie de l'Etat juif de l'emprise britannique et elle ne lésinait pas sur les méthodes de ce combat. Par exemple en 1946, Irgoun a organisé un attentat dans l'hôtel le plus luxueux de Jérusalem, King David. Il a fait 91 morts de diverses nationalités, y compris des Juifs. Ironiquement à cette époque Irgoun était dirigé par Menahem Begin – futur homme politique éminent. Quand il est devenu premier ministre c'est l'Etat d'Israël qui était frappé par les attentats.
Et Action Directe ? Un groupe d'extrême-gauche qui commettait des attentats en France à la charnière des années 1970 et 1980.
A quoi vous fait penser le nom Armée rouge japonaise ? Rien ? Or dans les années 1970 c'était l'une des plus puissantes organisations terroristes du monde. Par exemple, en 1974, ses membres avaient pris d'assaut l'ambassade de France aux Pays-Bas.
La liste des organisations terroristes tombées dans l’oubli est longue. Je pourrais continuer longtemps comme ça mais je pense que vous avez compris où je voulais en venir. Le terrorisme est une hydre qui n'a pas encore trouvé son Hercule. Contrairement au monstre de la mythologie grecque, quand on coupe la tête du terrorisme, il n'en pousse pas trois autres bien que ses têtes soient interminables. Si le terrorisme est éternel alors la lutte antiterroriste l'est aussi. Telle est ma conclusion après les événements turbulents de ce mois.
Dans son livre "La Seconde guerre mondiale", Winston Churchill a décrit la conversation entre Joseph Staline et le ministre français des Affaires étrangères Pierre Laval en 1935. Le Français, exécuté plus tard pour avoir collaboré avec Hitler, avait demandé à Staline : "Pourriez-vous faire quelque chose pour promouvoir en Russie le développement de la religion et du catholicisme ? Cela m'aiderait beaucoup dans mes relations avec le pape !". Ce à quoi Staline avait répondu : "Oh ! Le pape ! Et combien de divisions il possède ?!".
Personne n'a jamais osé qualifier Staline d'homme politiquement naïf. Grâce à son flair inhumain il s'imposait toujours face aux hommes politiques qui l'affrontaient. Mais cette phrase du dirigeant soviétique semble aujourd'hui incroyablement naïve.
Je ne veux pas parler du pape au premier sens du terme. Je veux parler du pouvoir monstrueux de l'idéologie. Le pouvoir capable de vaincre et de balayer sur son chemin absolument toute logique, tout bon sens, l'apitoiement et la compassion envers les autres êtres humains, même l'instinct de survie.
L'Amérique n'a rien fait de mal aux frères Tsarnaev - que du bien. Elle leur a donné l’opportunité d’un avenir meilleur. En y renonçant, les deux frères ont tout perdu et n'ont rien gagné. Cependant, la force d’attraction de cette idéologie monstrueuse a été plus forte que tous les arguments raisonnables.
Seule l'idéologie peut vaincre l'idéologie. Et sur ce plan ce ne sont pas les Etats-Unis qui m'inquiètent le plus. En dépit de toutes les plaies de la vie sociale américaine, tout va plutôt bien avec la base idéologique américaine. Je suis surtout préoccupé par la Russie.
Les Russes ont trop longtemps vécu dans des conditions où absolument tout était idéalisé, même les couches. Après la chute de l'URSS, il s'est avéré que certaines personnes avaient besoin de valeurs, d'idées et d'idéaux autant que d'oxygène. Et qu’ils étaient même prêts à renoncer à l’air pour des idées.
Mais qu'arrive-t-il quand les idées pour lesquelles on est prêt à donner sa vie s'avèrent fausses ? L'explosion au marathon de Boston. La préparation du déraillement d'un train au Canada. Et bien d'autres choses terribles et désagréables.
Un grand nombre de ces choses terribles et désagréables se produit précisément sur le territoire russe. Je me rends périodiquement à Oufa et je vois comment cette ville devient rapidement de plus en plus européenne et civilisée. Cependant, j'entends constamment parler de la hausse de popularité du courant islamiste auprès des jeunes de la ville.
En 1859 Karl Marx écrivait : "Ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leurs conditions matérielles d'existence mais ce sont ces conditions matérielles qui déterminent leur conscience". Difficile de contester le fondateur d'un courant qui a tant changé la vie sur terre. Mais je ne peux en aucun cas y adhérer.
Les événements contemporains, de mon point de vue, montrent manifestement que la vie peut déterminer la conscience autant que la conscience peut déterminer la vie – ou son absence pour soi-même et pour les autres.
Pour vaincre l'hydre du terrorisme, l’Hercule moderne doit avoir non seulement beaucoup de muscles mais aussi savoir manipuler une faux pour anéantir les idéologies misanthropes.
L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction
