Blog d'Alexandre Latsa: Ou en est l’économie russe en avril 2013?

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Malgré les affirmations du président français qui annonçait en décembre dernier: "La crise de la zone euro est derrière nous", l’affaire chypriote semble avoir provoqué de nouvelles inquiétudes.

Malgré les affirmations du président français qui annonçait en décembre dernier: "La crise de la zone euro est derrière nous", l’affaire chypriote semble avoir provoqué de nouvelles inquiétudes. Pour la première fois en mars 2013 l’Allemagne présente elle aussi des indicateurs dans le rouge faisant que plus aucun des pays de la zone euro n'échappe désormais à une contraction de son activité. Traduction simple: l’Europe et la zone euro entrent encore plus en récession.

Les grands pays émergents de leur coté semblent aussi faire face à un certain ralentissement de leur croissance économique. Les chiffres du premier trimestre 2013 sont décevants, que l'on pense à l’Inde, au Brésil ou même à la Chine et à la Russie. Bien sur les taux de croissance restent positifs, mais ils sont en deçà des projections qui étaient faites pour cette année 2013.

Pour la Russie ou en sommes nous?

La croissance russe pour 2011 a été de 4,3%, et en 2012 de 3.4%. En rythme annuel, elle a été seulement de 2,1% pour le dernier trimestre de l’année 2012 et seulement de 1,1% pour le premier trimestre 2013. Evidemment le pays n’est pas en récession mais les résultats sont, bien que positifs, décevants et largement inférieurs aux attentes du FMI, qui a abaissé son estimation de 3,7% à 3,4% pour 2013. Des chiffres décevants aussi pour le gouvernement russe qui estime qu'une croissance de 5% est indispensable pour mener à bien la modernisation du pays. Autres prévisions revues à la baisse en Russie: la croissance de la production industrielle est attendue à 2% contre 3,6% auparavant et celle des investissements à 4,6% contre 6,5%.

Evidemment, la crise en Europe et au sein de la zone euro frappe directement la Russie. L'UE est et de très loin le principal partenaire économique de la Russie, comme ce schéma (comparatif avec la Chine) le montre. Il est difficile d’imaginer comment la Russie pourrait ne pas directement subir les turbulences économiques de la zone euro et quelle serait la politique à mettre en œuvre pour que ce ne soit pas le cas. Bien sur le rééquilibrage économique avec l’Asie est un objectif prioritaire pour le gouvernement russe mais celui-ci nécessitera du temps et des investissements.

Dans le même temps, et contrairement à nombre de prévisions trop systématiquement pessimistes, il semble que l’économie russe ait de nombreux atouts pour les prochaines années.

Le cours du pétrole ne s’est pas effondré mais au contraire reste stable et élevé depuis fin 2010. Le baril devrait selon des prévisions américaines se maintenir autour de 108 dollars en 2013 (un baril à 110 dollars étant nécessaire pour un budget russe en équilibre) et à environ 101 dollars en 2014, soutenant ainsi l’économie et permettant à la Russie d’envisager de façon relativement sereine ces deux années, sans crise globale sur le modèle de 2008. Selon ces prévisions toujours, le prix du pétrole devrait donc rester élevé sur le long terme, sur fond d’une progression de la croissance économique mondiale qui devrait rester supérieure à 3%, malgré la récession en Europe, et le ralentissement dans les pays émergents.

La Russie a en outre reconstitué des réserves de change importantes puisque celles-ci atteignaient le 25 avril 515,2 milliards de dollars soit quasiment leur niveau d’avant crise. Si lors de la crise de 2008 le gouvernement avait pioché dans ces réserves pour permettre aux banques de solder leurs dettes extérieures, on peut imaginer que l’expérience ne se répète pas une seconde fois et que l’argent soit, en cas de seconde crise, alloué à l’économie réelle, à la demande intérieure, ou aux entreprises, le marché bancaire s’étant en outre de lui-même nettoyé depuis la crise de 2008.

Le chômage reste incroyablement faible en Russie (moins de 6%) et donc le potentiel d’embauche est encore élevé, le manque de main d'œuvre ne pouvant qu’entrainer une hausse des salaires dans de nombreuses sphères d’activité, ce qui vraisemblablement est bon pour l’économie russe, qui repose énormément sur la demande intérieure. Bien sur dans le même temps le gouvernement russe se doit d’entamer une guerre sévère contre l’inflation, la hausse des prix étant et de très loin la principale menace économique et la principale préoccupation des russes depuis 2006, (instituts de sondages) bien devant la corruption ou la démocratie et ce sans doute au grand regret de nombre d’analystes occidentaux.

Les sorties de capitaux sont en baisse, passant de 80,5 milliards de dollars en 2011 à 56,8 milliards de dollars en 2012 et à vraisemblablement 30 à 35 milliards de dollars en 2013. Je m’arrête une seconde sur cette fuite présumée des capitaux dont les journalistes ont fait un symbole de l’échec du gouvernement russe à mettre en place en Russie un climat économique favorable aux investissements.

Selon le cabinet Ernst & Young cette fuite présumée de capitaux serait en réalité deux fois moins élevée qu'annoncé puisque doivent être exclues du calcul les transactions n’étant pas de réelles sorties de capitaux comme les achat d'avions immatriculés hors de Russie mais utilisés sur des vols intérieurs, les acquisition d'actifs à l'étranger par des entreprises en pleine expansion internationale (les investissements russes en France étant croissants par exemple), les remboursement d'emprunts contractés à des banques occidentales, les paiements de dividendes à des actionnaires étrangers... Idem pour l’envoi de fonds vers des structures offshore revenant ensuite en Russie puisque les investissements directs russes dans des zones offshore sur 2007-2011 seraient, en volume, identiques à ceux réalisés depuis ces zones vers la Russie durant la même période.

Suma Chakrabarti, président de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) vient récemment du reste d’exhorter les investisseurs à s'impliquer activement dans l'économie russe, malgré les risques et le manque de diversification. L’économie russe, sans être un modèle en ce sens qu’elle présente de nombreux problèmes, reste sans doute, malgré ses imperfections, l’un des derniers marchés à relativement fort potentiel de croissance pour la prochaine décennie.

L’opinion exprimée dans cet article ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction, l'auteur étant extérieur à RIA Novosti.

Alexandre Latsa est un journaliste français qui vit en Russie et anime le site DISSONANCE, destiné à donner un "autre regard sur la Russie".

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