Les menaces d'un Obama fatigué

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La déclaration d’Obama sur le retrait complet des troupes américaines d'Afghanistan d'ici fin 2014 devait faire sensation. "Personne ne va le lui permettre", me corrige un fonctionnaire international de haut niveau en Asie.

La déclaration d’Obama sur le retrait complet des troupes américaines d'Afghanistan d'ici fin 2014 devait faire sensation. "Personne ne va le lui permettre", me corrige un fonctionnaire international de haut niveau en Asie.

Par ses récentes menaces Obama rappelle un professeur d'école qui tenterait de ramener à la raison un adolescent se considérant déjà comme un adulte : si tu te comportes comme ça, je vais appeler tes parents…

Karzaï réticent

L'attitude rebelle du président afghan Hamid Karzaï - c'est à lui qu’Obama, irrité, a adressé sa philippique - devient de plus en plus désespérée alorq qu’approche la fin de son mandat : les élections présidentielles sont pour 2014 et Karzaï ne pourra pas se présenter.

Pour le moment, il est toujours président et les Etats-Unis sont donc obligés de composer avec lui. C'est bien Karzaï qui va décider du sort de l'accord de sécurité stratégique entre les Etats-Unis et l'Afghanistan, dont dépend la présence militaire de Washington en Afghanistan après 2014.

Une des clauses-clé de ce texte, du point de vue des Américains, stipule l'indépendance de leurs militaires par rapport aux autorités de Kaboul. Les Afghans s'y opposent farouchement, n'ayant aucune envie de perdre contrôle des troupes américaines - compte tenu des erreurs tragiques des drones des USA qui ont déjà frappé des civils au lieu des terroristes…

Kaboul a annoncé il y a quelques jours une suspension des négociations avec les Américains sur ce sujet - une riposte aux actions de Washington qui poursuit le dialogue avec les talibans, au Qatar, dans le dos du gouvernement de Karzaï.

Suite à cette décision le mouvement Taliban a fermé pour une durée indéterminée sa représentation au Qatar, qui aurait dû abriter ses négociations avec les Etats-Unis.

Ce bureau a ouvert ses portes le 18 juin mais la rencontre avec les représentants américains n'a jamais eu lieu à cause d’un scandale : Kaboul s'est indigné des symboles figurant sur la représentation afghane au Qatar. Son nom a notamment été tourné en "Emirat islamique d'Afghanistan", que portait en fait l’Etat autoproclamé sur le territoire afghan à l'époque du règne des talibans de 1996 à 2001. Les autorités qataries ont donc demandé de renommer le bureau et d’enlever le drapeau de ce prétendu émirat.

Moscou a soutenu l'attitude de Hamid Karzaï, qui tente d'empêcher la légitimation des talibans. Zamir Kaboulov, représentant spécial du président russe pour l'Afghanistan, l'a démontré le 3 juillet au cours de sa rencontre avec Karzaï à Kaboul.

La position de Pékin reste, pour le moment, inconnue. Quoi qu'il en soit, il est peu probable que les Chinois saluent le renforcement de l'influence des islamistes radicaux afghans, surtout qu’ils ont subi récemment des troubles récents à Xinjiang, où Pékin n'arrive toujours pas à écraser la résistance des islamistes qui sévissent sur son territoire.

Il est tout à fait probable que le "zigzag afghan" actuel fera partie de l'ordre du jour de la réunion prochaine des ministres des Affaires étrangères des pays membres de l'Organisation de coopération de Shanghai, le 13 juillet à Yssyk Koul (Kirghizstan).

Un accord en échange d’un successeur

La résistance de Karzaï à son parrain américain étant plus que sérieuse, Obama est contraint d'en tenir compte. Les Afghans sont des négociateurs habiles qui savent atteindre leurs objectifs.

L’un d'eux est parfaitement clair : Karzaï est prêt à accepter les conditions américaines de l'accord stratégique en matière de sécurité, en échange du soutien de Washington pour le protégé de Karzaï qui devra assumer les fonctions présidentielles à partir de 2014.

Car il est tout à fait impensable que Karzaï ose jouer jusqu’à perdre son parapluie de protection américaine en Afghanistan. Il est également impossible que la menace d'Obama concernant le retrait complet des forces américaines soit prise au sérieux à Moscou et Pékin aussi bien que dans les capitales d'Asie centrale.

Du point de vue des élites dirigeantes régionales, une telle perspective serait un cauchemar : il y a un mois l'assistant du secrétaire d'Etat Robert Blake leur a déjà promis que les Etats-Unis resteraient dans la région après 2014…

Obama s'est-il souvenu du prix Nobel?

Il est peu probable que ce coup d'essai pour le retrait complet du contingent soit soutenu par les leaders russes ou chinois, même si la rhétorique anti-américaine est aujourd'hui en vogue en Eurasie.

D'autre part, cette menace d'Obama est sans doute une riposte efficace aux théories du complot selon lesquelles l'Amérique gardera pour toujours ses bases militaires en Afghanistan pour avoir toute la région dans son collimateur.

Que dites-vous ? Leur répond Obama, fatigué. Et si nous partions réellement ? Que feriez-vous ?

"Si Bush donnait l'impression d'un homme qui décide sans penser, Obama quant à lui hésite tout le temps, ne sachant pas comment agir", écrivait en mai dernier le New Yorker.

Obama se rappelle évidemment que son prix Nobel de la paix lui avait été octroyé en 2009, comme un acompte qu'il n'a pas encore remboursé. "Nous poursuivrons nos efforts systématiques visant à neutraliser les organisations terroristes… mais cette guerre doit s'achever comme n'importe quelle autre. L'histoire nous le dit. Notre démocratie l'exige", a-t-il déclaré il y a deux mois.

Bref : des paroles convaincantes. Au moins en ce qui concerne "cette guerre"…

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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