La Russie, l'UE et l'Ukraine ont convenu de reporter l'application de l'accord sur la zone de libre-échange entre l'UE et l'Ukraine au 31 décembre 2015. Après ce nouveau retournement l'Ukraine évite la catastrophe économique immédiate car elle conserve le marché russe. De son côté l'Europe lui laisse la porte ouverte et sauve la face, estime l'expert du Conseil russe pour les affaires internationales Kirill Koktych de la chaire de théorie politique à l'Institut d'Etat des relations internationales de Moscou (MGIMO).
Dans l'état actuel des choses, l'application de l'accord d'association UE-Ukraine pourrait compliquer le processus de paix qui a commencé dans le pays et perturber les négociations avec l'UE sur les livraisons de gaz. Après que la Russie, l'Ukraine et la Commission européenne ont décidé de reporter la création d'une zone de libre-échange entre Kiev et Bruxelles, les deux parties sauvent la face dans le sens politique comme économique, estiment les experts interrogés par RIA Novosti.
A l'issue de la réunion ministérielle trilatérale Russie-UE-Ukraine le 12 septembre dernier à Bruxelles, concernant l'accord d'association entre l'Union européenne et l'Ukraine, les parties ont convenu de reporter l'application de l'accord sur la zone de libre-échange entre l'UE et l'Ukraine au 31 décembre 2015. De cette manière, à partir du 1er novembre 2014 l'Union européenne prolonge l'accès privilégié et autonome à son marché pour les marchandises ukrainiennes, mais reporte jusqu'au 31 décembre 2015 l'application de l'Accord sur la création de la zone de libre-échange.
"Cette entente ne résoud par la question de l'interaction économique entre l'UE et l'Ukraine", souligne le vice-président du Centre russe des communications stratégiques Dmitri Abzalov.
"Il est évident que des négociations sur l'association de l'Ukraine à l'espace européen pourraient compliquer le processus de paix et perturber ses négociations avec l'UE sur les livraisons de gaz. C'est pourquoi l'Union européenne a décidé de repousser d'au moins un an ce facteur irritant", pense-t-il.
"Dans la situation actuelle les parties ont cherché à réduire les pertes", explique l'expert du Conseil russe pour les affaires internationales Kirill Koktych, de la chaire de théorie politique à l'Institut d'Etat des relations internationales de Moscou (MGIMO). "Je ne dirais pas qu'il y ait un gagnant. Le plus important est que personne n'ait rien perdu. D'une part, l'Ukraine évite une catastrophe économique immédiate car elle conserve le marché russe. De son côté l'Europe lui laisse la porte ouverte et sauve la face, car le format de l'association signée est maintenu", souligne l'économiste.
Les experts indiquent qu'il est très difficile de prédire l'évolution de la situation et la dynamique de l'économie ukrainienne dans le courant de l'année. La situation pourrait changer, entre autres, sous l'influence des élections législatives à venir fin octobre.
"Les engagements que pourraient prendre Piotr Porochenko et Ioulia Timochenko dans le cadre de leur lutte politique pourraient ne pas coïncider avec la voie européenne. L'Europe et la Russie ont, de fait, convenu de reporter le processus de négociations à l'année prochaine, quand la situation se stabilisera plus ou moins et que les sanctions, ou encore les pourparlers sur la question gazière, ne feront plus d'ombre aux négociations", déclare Dmitri Abzalov.
"La principale question en suspens pour l'année à venir sera de savoir si les parties réussiront à établir un véritable dialogue", estime l'expert en économie mondiale et en commerce international de l'Institut d'économie mondiale et des relations internationales de Moscou (IMEMO) Sergueï Afontsev. "C'est une confrontation des professionnels avec la géopolitique. Il n'y a rien de compliqué techniquement, il faut discuter des choses qui ne représentent aucune difficulté pour les professionnels. Il y a un risque que la géopolitique s'en mêle et que l'aspect substantiel de la question soit oublié", note Sergueï Afontsev.
Comme l'avait déclaré plus tôt le chef de la représentation de l'UE en Russie Vygaudas Ušackas, la Commission européenne a essayé de prendre en compte les intérêts russes et ukrainiens. Selon lui, la Commission européenne a montré de la souplesse, une approche bénéfique pour l'Ukraine et une position constructive vis-à-vis de la Russie en examinant les craintes de cette dernière quant à l'accord sur la création d'une zone de libre-échange à part entière entre l'UE et l'Ukraine.
Le fond de l'association UE-Ukraine
Parmi les objectifs de l'accord d'association entre l'Ukraine et l'UE figure la création de l'association, le rapprochement progressif entre les deux entités sur des valeurs communes, l'approfondissement des relations économiques et commerciales, ainsi que le renforcement de la coopération dans le domaine de la justice, de la liberté et de la sécurité.
L'aspect économique est prioritaire. Une attention particulière est accordée à la zone de libre-échange UE-Ukraine, qui devrait assurer une intégration progressive de l'économie ukrainienne au marché intérieur de l'UE. Une partie de l'accord concerne l'établissement des principes de coopération dans plusieurs secteurs: l'énergie, la politique industrielle et l'entreprenariat, la fiscalité, le tourisme et d'autres. Sont également définis les mécanismes et les voies d'obtention par l'Ukraine d'une aide financière européenne.
Au total l'accord s'étend sur plus de mille pages. Il est composé d'un préambule, de sept chapitres, de 43 annexes et de trois protocoles, orientés en priorité vers l'économie.
