Alexandre Del Valle : « le totalitarisme islamique ne se réduit pas à Daesh »

Alexandre Del Valle : « le totalitarisme islamique ne se réduit pas à Daesh »
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Pour Alexandre Del Valle, l’Occident s’est révélé incapable de combattre son véritable ennemi : le totalitarisme islamique qui subvertit son pluralisme. Pour le géopolitologue, il nous faut imposer une charte aux États et organisations islamistes.

Trois pas en avant, trois pas en arrière, trois pas sur le côté et trois pas de l'autre côté… on pourrait aussi le dire de la lutte du gouvernement contre l'islamisme. Notre pays tergiverse, mais il faut bien dire que le problème est de taille : comment la France peut-elle contrer la menace que lui jette cette idéologie ? Comment affronter une guerre qui ne dit pas son nom ?

Nous avons reçu en studio le géopolitologue Alexandre Del Valle, qui vient tout juste de publier un nouvel ouvrage volumineux, Les vrais ennemis de l'Occident, du rejet de la Russie à l'islamisation des sociétés ouvertes, paru aux éditions l'Artilleur.

Pour notre invité, les sociétés ouvertes doivent apprendre à se fermer. Notre esprit s'est brouillé : « l'Occident trahit ses propres valeurs pluralistes quand il les confond avec un multiculturalisme qui est le lit de l'islamisation. Les sociétés ouvertes s'ouvrent à tous les vents, y compris à l'islamisme radical, qui est un projet de conquête hostile au projet de ces sociétés pluralistes.  »

L'ennemi russe

Aussi ce manque de clarté a-t-il conduit l'Occident à désigner comme ennemie la Russie : « nous pensions qu'elle était l'ennemie principale ». Ainsi a-t-il agi de concert « avec la Muslim Belt », « pour faire barrage à la Russie, à son accès aux mers chaudes ». Et nous retrouvons là des constantes depuis la Guerre froide : les wahhabites furent « utilisés comme un bélier pour lui faire perdre des avantages stratégiques »  ; « cette stratégie pro-islamiste continue d'être utilisée par certains pays occidentaux », puisque « l'Occident continue d'armer des islamistes contre la Russie. C'est pour ça que je lie le dossier russe à celui du Moyen-Orient. »

Faire face au véritable ennemi

Del Valle veut donc revenir à l'essentiel. « Ce qui est intéressant, c'est la définition: une des dérives du "pandémocratisme" est que l'ennemi serait celui qui ne respecte pas les droits de l'homme. Mais l'ennemi n'est pas celui qui ne pense pas comme vous : l'ennemi est celui qui, concrètement, projette de mettre en danger votre population, votre territoire, vos valeurs fondamentales.  »

Nous assistons à la subversion de nos valeurs, nous explique Alexandre Del Valle : « ils veulent un territoire mondial : ils veulent étendre leur ordre politico-théocratique au monde entier. Ils sapent nos valeurs fondamentales (…) En toute liberté, en toute légalité, ils viennent chez nous, ils essaient d'embrigader notre propre population, grâce à des pôles officiels, respectables, dans une logique partitionniste » — pour « embrigader nos citoyens contre nos valeurs d'accueil. »

Liés par certains jeux d'alliances, nous risquons de commettre des imprudences : « l'Occident est en danger par des alliances problématiques. L'Amérique est responsable, mais il ne faudrait pas déresponsabiliser les Européens. Ils sont partie prenante de cette stratégie (…) Je n'accuse pas l'Amérique en tant que telle, mais plutôt la volonté d'impuissance européenne (…) C'est ce que dit Trump — qui n'est pas ma tasse de thé, il est extrémiste —, mais il dit quelque chose de vrai : certains États européens nous poussent à la guerre contre la Russie, ils sont irresponsables. Ils feraient mieux de penser à la survie de l'Europe. Certains États sont beaucoup plus anti-russes que l'Amérique elle-même. La société américaine est tiraillée, certains sont pour un rapprochement avec la Russie. » Peut-être est-ce là le point faible de l'ouvrage : l'approche occidentaliste conduit Alexandre Del Valle à en ménager certains, y compris le libéralisme anglo-saxon et dont il minore l'influence destructrice. Car c'est bien cette vision morale qui prépare la sujétion du continent européen [à ce propos, voir notre entretien avec Pascal Gauchon.]

Un léger paradoxe, alors que Del Valle rejette pourtant le moralisme et plaide pour une clarification pour d'autres : « On ne peut pas donner de leçon de morale à tout le monde. L'ennemi, c'est celui qui vient dans notre pré carré. » « Même des États qui ne sont pas islamistes radicaux adhèrent globalement à un projet irrédentiste d'islamisation du monde, opposé à nos valeurs, martèle-t-il. Que des États utilisent la liberté religieuse pour monter des pans entiers de la population, ceci constitue la définition même d'un ennemi. »

Par exemple, « le Qatar aide un certain nombre d'organisations — l'islamisme hard — ou les pôles institutionnels — l'islamisme soft — qui œuvrent de manière démocratique à l'islamisation de nos sociétés, embrigadent nos concitoyens musulmans dans le but de faire sécession. Elles ont un projet irrédentiste. Je vais jusqu'au Maroc. Dans son code civil, ce pays interdit toute forme de liberté religieuse : toute personne née musulmane qui devient athée ou ne respecte pas le ramadan peut être emprisonnée. C'est ce pays-là qui dirige l'islam en France. Comme la Turquie. Et ces pays nous traitent d'islamophobes. »

Plaidoyer pour la fermeté

Malgré sa virulence, Del Valle n'en demeure pas moins un partisan de l'intégration : « il est temps que l'Europe reprenne en main son islam ». « Un des exemples, c'est la Russie ou l'Argentine (…) ce qui a été fait ailleurs peut être fait ici », ajoute-t-il, un brin optimiste, minorant un passé et des circonstances culturelles pour le moins divergents.

De surcroît refuse-t-il de traiter le monde arabo-musulman comme un bloc : « le monde arabo-islamique est lui-même très divisé : regardez les Émirats arabes unis, ou l'Égypte. Ils font la guerre aux islamistes en Syrie. Et les Frères musulmans sont interdits aux Émirats. »

En conséquence, plaide-t-il pour une charte destinée aux États et organisations islamistes : « La grande erreur de nos hommes politiques est de croire qu'on ne peut rien faire contre le prosélytisme salafiste. On pourrait très bien dire à ces États et ces organisations qui produisent de l'islamisme radical : si vous ne vous signez pas une charte qui vous soumet chez nous à nos règles fondamentales, vous n'avez plus droit de cité chez nous. » 

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