Judith Polgar : il n'y a pas d'échecs masculins ou féminins

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Judith Polgar : il n'y a pas d'échecs masculins ou féminins - Sputnik Afrique
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La joueuse hongroise d’échecs Judith Polgar s’est convertie à la littérature. Elle a déjà publié un livre et n’entend pas s’arrêter là, a déclaré cette éminente femme, grand-maître des échecs, dans un entretien accordé à la Voix de la Russie.
- Avant d’avoir des enfants j’étais joueuse professionnelle et je passais devant l’échiquier entre 6 et 8 heures par jour. Après la naissance de mon premier enfant (mon fils Olivier), j’ai continué à travailler comme avant, mais tout a changé après la naissance, deux ans après, de ma fille Anna. Si je ne peux plus consacrer aux échecs autant de temps qu’avant, ce n’est pas à cause de mes enfants. Je me suis découvert d'autres centres d'intérêt et je me suis lancée dans l'écriture du livre que j'ai intitulé « Comment j’ai battu le record de Fisher », qui vient de paraître en anglais. J’y raconte comment je suis devenue grand-maître à l’âge de 15 ans et 4 mois, soit un mois avant Fisher. Je n’ai publié pour le moment que le premier volume et les deux autres attendent leur tour. L’écriture m’intéresse vraiment mais je me consacre aussi à la promotion du jeu d’échecs et je prépare avec mon équipe un projet qui permettra à partir de 2013 d’étudier facultativement le jeu d’échecs dans les écoles hongroises. Je prépare en ce moment le festival des familles « Une journée d’échecs avec Judith Polgar » qui aura lieu le 17 novembre à Budapest.


- Est-ce que vous enseignez les échecs à vos enfants?

- Certes, mes enfants savent jouer aux échecs. J’ai fait intégrer les échecs au programme de l’école anglaise qu’ils fréquentent. Ma fille qui a 6 ans s’y intéresse plus que mon fils qui en a 8. Je pense qu’au bout d’un moment, ils joueront assez bien tous les deux sans pour autant devenir professionnels, parce que cela demande une vraie passion du jeu.

-Vous n’êtes pas déçue?

- Pour maîtriser les échecs à un bon niveau, il ne suffit d’être doué ou d’avoir un grand talent. Il faut surtout avoir l’intérêt et même la passion du jeu. C’est d’ailleurs ce que j’essaie d’inculquer à mes enfants. L’amour des échecs et la concentration sur ce jeu sont deux conditions indispensables pour devenir professionnel.

La vie a beaucoup changé par rapport à l'époque où j’ai commencé à jouer aux échecs. Depuis dix ans, les échecs ne se développent pas comme ils devraient se développer. D’une part, ils bénéficient d’une excellente image dans les médias, le cinéma et la publicité et les gens sont convaincus que savoir jouer aux échecs est un signe d’intelligence. C’est donc très positif pour les enfants. Mais le niveau professionnel est, malheureusement, une tout autre histoire. Pour autant que je sache, de nombreux joueurs d’échecs quittent actuellement les rangs des professionnels. Certes, les échecs professionnels ont un grand avenir devant eux mais ils attendent toujours celui qui s’attèlera à cette tâche. 600 millions de personnes jouent actuellement aux échecs dans le monde. C’est une belle performance mais ce qui manque, c’est le professionnalisme et le financement.

-Que faut-il faire pour que la situation change?

-Je pense que les hommes dont dépendent les échecs manquent de respect envers les joueurs professionnels. Les exemples abondent dans ce sens. C’est ainsi qu’ à la dernière Olympiade d’Istanbul les organisateurs auraient pu permettre aux meilleurs joueurs qui ont terminé leur parties de rester dans la salle pour regarder jouer les autres. Or, ils ont été priés de quitter la salle sous prétexte que c’est le règlement. Et pourtant, ces joueurs sont la crème du monde échiquéen et il est à mon avis pour le moins étrange de les éloigner de la salle. Le problème réside dans le fait que ceux qui fixent les règles ne sont pas forcément des joueurs d’échecs. Nous sommes comme des marionnettes manipulées et ils ignorent nos sentiments. Je n’ai pas envie de me plaindre et d’ajouter ma goutte d’amertume à la coupe, mais si on corrigeait au moins cette situation, cela contribuerait à changer en mieux l’attitude envers les joueurs et même la question de l’argent cesserait de jouer le rôle prépondérant. Les joueurs sont loin d’être vraiment à l’honneur dans les tournois. Il suffit de regarder les cérémonies d’ouverture et de clôture où l'on distingue de nombreux politiciens et  VIP. Certes, leur présence garantit le bon déroulement des tournois, mais n’oublions pas pour autant les joueurs.

-Est-il difficile pour une femme de jouer à l’égal des hommes?

-Je ne vois personnellement aucune différence d’autant plus que je joue contre les hommes depuis l’âge de 6 ans. J’ai eu assez de temps pour m’y habituer et c’est naturel pour moi. J’ai fait mes études en suivant les méthodes formulées et élaborées par mon père. Elles se fondent sur le principe que la femme est capable à l’égal des hommes. Et comme jouer contre les hommes, c’est plus pratique, c’est naturellement ce que je préfère.

-Existe-t-il une différence entre les hommes et les femmes en ce qui concerne le style du jeu?

-Chaque joueur possède indépendamment de son sexe son style inédit, c’est pourquoi on ne saurait faire de distinction entre les styles féminin ou masculin. Quand on regarde l’évolution d’une partie d’échecs, il est difficile de savoir si c’est un homme ou une femme qui joue.

-Quel genre de joueurs préférez-vous?

-Je préfère me mesurer à ceux qui réfléchissent devant l’échiquier sans préparer la majeure partie du jeu à la maison.  Je préfère évidemment affronter les meilleurs joueurs mais c’est toujours assez dur.

-Ou avez-vous appris le russe?

J’ai appris le russe au jardin d’enfants. C’est la langue de ma mère qui est née et a grandi en Transcarpatie, en Ukraine. La connaissance des langues aident beaucoup dans la vie et dans le monde échiquéen. L’anglais est à coup sûr la langue la plus demandée, mais il serait bien de maîtriser d’autres langues. Je parle anglais, russe. Espagnol et, naturellement, hongrois, mais je n’aime pas beaucoup étudier les langues et je les maîtrise tout juste pour me faire comprendre. T 

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