Les Africains en Russie : problèmes de l’adaptation et de l’intégration

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Deux tables rondes se sont déroulées cette semaine à l’Institut d’Afrique

Deux tables rondes se sont déroulées cette semaine à l’Institut d’Afrique de l’Académie des sciences de Russie : « Les Africains en Russie : problèmes de l’adaptation et les possibilités de les régler » et « Les anciens étudiants africains en URSS et en Russie : sort et carrière ». Les tables rondes ont été engagées dans le cadre du projet russo-français d’adaptation des Africains à la société russe et d’intégration des Africains ayant reçu leur formation en Russie devenus immigrés en Europe. Il est prévu, en outre, de suivre l’histoire des ressortissants du Continent noir en Russie. La France est représentée dans le projet par la Maison des sciences de l’homme de l’Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux…

1960 entre dans l’histoire comme l’Année de l’Afrique. Les Etats indépendants apparaissent l’un après l’autre sur le continent après l’écroulement des Empires coloniaux des métropoles européennes. L’Union soviétique, écrit Alexei Grigoriev, contribue activement à la décolonisation de l’Afrique. Les spécialistes pour les pays africains reçoivent quasi gratuitement la formation en URSS depuis les années 1960. Plus de 200 mille ressortissants de pratiquement toutes les régions du continent africain terminent pendant les décennies qui suivirent les établissements d’enseignement soviétiques et russes. Revenus à leur Patrie, les ingénieurs, les médecins, les professeurs, les économistes, les agronomes, les zootechniciens diplômés enrichissent le potentiel intellectuel de leurs pays, facteur important du développement économique et social. Ces spécialistes font partie de l’élite politique, du business, scientifique et culturelle des Etats africains. Cependant, cela se produit après cinq années de vie et d’études dans un contexte public, idéologique, culturel, parfois religieux et surtout climatique et linguistique inhabituel pour les Africains. Ils sont contraints de s’y adapter. La plupart d’entre eux y réussissent finalement. Les étudiants africains s’habituent au climat et apprennent le russe. De l’avis de plusieurs chercheurs, les Africains apprennent les langues étrangères, en particulier une langue aussi difficile qu’est le russe plus vite que les Européens. La société réunit les conditions pour leur adaptation. Au micro la boursière de thèse de l’Institut d’Afrique Valentina Oussatcheva :

A la différence des Européens et des Américains, les Russes n’ont pas eu de rencontres cruciales avec les ressortissants d’autres continents, ils n’ont pas eu de colonies en Afrique, dit Valentina Oussatcheva. Ils n’ont jamais été, Dieu merci, esclavagistes. On n’a rien à nous imputer en la matière. Il n’y a pas eu chez nous de migrations de masse du Continent noir. Nous avons donc fait connaissance de ces gens qui se distinguent foncièrement des Russes beaucoup plus tard : dans les années 1960. La plupart de nos compatriotes s’imaginaient les Africains d’après les livres. Il convient d’évoquer le grand poète russe Alexandre Pouchkine qui avait des origines africaines. Les Soviétiques se montrent, grâce à ses connaissances, bienveillants envers les Africains arrivés pour faire leurs études dans notre pays. A y ajouter l’éducation des Soviétiques dans l’esprit de l’internationalisme …

D’une part, c’est un fait positif, poursuit Valentina Oussatcheva. De l’autre, la propagande de l’internationalisme provoque l’opposition des dissidents au pouvoir soviétique. Les préjugés raciaux d’une partie de l’élite intellectuelle, c’est leur réponse à l’internationalisme officiel. A l’époque soviétique un Africain est un personnage étranger positif et un bourgeois obèse - négatif. C’est pour ça que tout le monde aiment chez nous les Africains et éprouvent de la compassion pour eux. Un bon Noir est opposait à un mauvais Américain. Il est pauvre, honnête et opprimé alors que l’Américain est riche, méchant et brandit des armes du matin au soir. Donc, l’URSS se soucie des étudiants africains ce qui irrite inévitablement les marginaux qui existent dans toute société. Ces malchanceux se vengent sur les Africains entourés de soins et de prévénances. Or, la xénophobie et le racisme ne se manifestent que très rarement à l’époque soviétique.

La désintégration de l’Union soviétique, le changement de l’image socio-politique de la Russie rénovée ont accentuent la xénophobie, le nationalisme, le mouvement des skinheads. Les Africains tout comme, d’ailleurs, les ressortissants d’autres pays postsoviétiques en tombent souvent victimes. Le directeur du Centre d’études russo-africaines de l’Institut d’Afrique Evguéni Korendiassov a dit, en particulier, à la conférence :

Lorsque la situation s’aggrave à l’extrême en 1995, l’Institut d’Afrique engage les audiences parlementaires : les mesures sévères et les peines adéquates sont appliquées à l’égard de ceux qui agressent les étudiants africains. Malheureusement, les problèmes en suspens subsistent et les Africains sont toujours assaillis par nos skinheads et d’autres groupes de jeunes marginaux. Les Africains constituent un facteur irritant ce qui accentue les tendances nationalistes en général, notamment dans les grandes villes. Les autorités et les Africains devraient déployer les efforts pour ne pas provoquer de telles tendances.

Il convient de mentionner un autre problème sérieux : le comportement de nos médias qui répandent toujours l’image monstrueuse de l’Afrique et des Africains, poursuit Evguéni Korendiassov. La comparaison à l’Afrique est la plus humiliante. Par exemple, on prétend que les militants de l’opposition soient dévorés en Afrique. D’aucuns répandent les rumeurs sur les Africains ghettoïsés. Les Africains ont envahi, dit-on, tout un quartier à Lioubertsy, dans la banlieue de Moscou. Nous avons visité cette ville : rien de pareil. Or, les médias insistent. Chaque attaque des skinheads est une sensation. A mon avis, la diaspora africaine augmentera dans notre pays. La population du continent ne cesse de croître, le régime de séjour des Africains en Europe est durci et la Russie aura de plus en plus besoin d’une main d’œuvre qualifiée.

Plus de quatre mille Africains ayant terminé les établissements d’enseignement russes ont la citoyenneté russe. Un nombre encore plus grand d’Africains recevront prochainement les passeports russes. La Russie a besoin des Africains, a dit à notre correspondant le Malien Sumare Demba, citoyen russe et vice-président de la Fédération des migrants de Russie ayant expliqué comment il fallait les aider à s’adapter et à s’intégrer à la société russe.

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