Erasmus, prochain épisode de "l'apocalypse" du Brexit?

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Quel sera l'impact du Brexit pour les étudiants français de la filière Erasmus? Aux nombreuses inquiétudes des conséquences du Brexit sur l'économie européenne, s'ajoutent à présent celles concernant la filière universitaire: la mobilité de ses étudiants, mais aussi les fonds alloués à la recherche.

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Après les dangers du "Brexit" qui pèseraient sur le tournage de Game of Thrones, sur la préservation des blaireaux, voire sur la civilisation occidentale, a en croire Donald Tusk — Président du Conseil européen, ou simplement les menaces commerciales d'Obama, c'est au tour des étudiants d'être dans l'œil du cylcone. A en croire les médias, les échanges universitaires et notamment le fameux programme Erasmus seraient directement menacés par le Brexit. D'une certaine manière, ça tombe bien car cela frappe directement la jeunesse, dernier rempart proclamé contre l'euroscepticisme. Voire. Car si les 18-24 ans ont été 64% à se prononcer en faveur du maintien du Royaume-Uni dans l'Union Européenne, ils ont aussi été les moins nombreux à faire le déplacement jusqu'aux urnes, avec à peine 36 % de votants.

Erasmus, un programme dont le Royaume-Uni pourrait bien sortir, mais sans pour autant fermer ses portes aux étudiants européens — bien que les démarches administratives pourraient être plus lourdes qu'à l'heure actuelle — comme le souligne Jens Villumsen, Délégué national du syndicat étudiant l'Union nationale interuniversitaire (UNI):

​"Le Royaume-Uni à tout intérêt à ce que perdurent des échanges internationaux, puisque les étudiants européens représentent près de 5% des étudiants qui sont dans l'enseignement supérieur au Royaume Uni et ils rapportent 3.2 milliards d'euros au système universitaire. Donc, à moins de compenser les recettes générées par les étudiants étrangers issus de l'Union Européenne, le gouvernement britannique va devoir accepter que les étudiants européens puissent continuer à étudier au Royaume-Uni."

Le délégué de l'UNI prend pour exemple les pays extra-communautaires qui participent malgré tout à des programmes d'échanges universitaires. Des pays tels que la Macédoine, la Norvège, la Turquie, ou jusqu'à il y a peu, la Suisse. Le cas suisse, sur lequel revient justement Pola Cebulak, spécialiste du droit européen et de la politique européenne, chargée de cours à l'Université de Copenhague:

"Dans le cas suisse, c'est le gouvernement suisse qui a mis en place un programme bilatéral pour compenser les manques d'Erasmus, un programme bilatéral de mobilité entre la Suisse et l'Union Européenne. Et pour le moment, c'est le gouvernement suisse qui paie pour les étudiants qui viennent vers la Suisse, ainsi que pour les étudiants suisses qui sortent de Suisse dans le cadre d'échanges. Donc en fait le gouvernement paie double […] Il en a fait une priorité après la suspension de la Suisse du programme Erasmus, suite au vote du 9 février 2014, mais je ne suis pas certaine que le gouvernement britannique soit prêt à mettre le même argent sur la table".

Car les premiers à exclure des pays ne sont pas les capitales récalcitrantes à plus d'intégration européenne, mais plutôt l'Europe elle-même. De fait, si la Suisse a été éjectée du programme d'échange estudiantin européen, ce n'est pas pour cause de sortie de l'UE — la Confédération helvétique n'en ayant jamais fait partie — mais à cause d'un vote approuvant l'initiative populaire "Contre l'immigration de masse", en février 2014, s'opposant à la signature par Berne de l'accord étendant la libre circulation des personnes aux ressortissants Croates. Bruxelles avait alors immédiatement réagi, avançant qu'on ne marchandait pas avec les libertés fondamentales de l'Union, dont fait partie intégrante la liberté de circulation. La Commission européenne avait sans tarder sanctionnée la Confédération helvétique en l'expulsant des programmes Erasmus et "Horizon 2020".

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Si la nouvelle avait été jugée "catastrophique" en son temps par des hauts membres de l'administration universitaire helvétique, les autorités suisses avaient rapidement réagi afin de trouver des solutions au plus vite, afin de permettre à la fois aux étudiants suisses de partir étudier comme prévu dans des pays européens, ainsi qu'aux étudiants de ces pays désirant se rendre dans les universités suisses.

Si le Royaume-Uni est appelé à quitter l'Union Européenne et ses programmes — suivant la tournure des négociations — ceci se fera de manière progressive, étalée sur deux années: un luxe dont n'avait pas profité la Suisse en 2014, lorsque la Commission européenne avait pris la décision de couper ses subsides aux universités helvétiques et d'exclure les étudiants suisses du programme d'échange européen, celle-ci s'appliquant dès la rentrée de la même année.

Un fait sur lequel revient Daniel Chuard, délégué à la formation à l'Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL):

"Pour nous, du côté de la Suisse, en tout cas du Côté de l'EPFL — je ne peux pas vraiment parler pour les autres universités suisses — il a fallu en un temps record rediscuter et confirmer les accords avec tous nos partenaires européens, valider ceci, pour qu'entre le mois de février et la rentrée académique du mois de septembre, de s'assurer que les échanges puissent bien se faire.

Et puisque le gouvernement suisse nous a alloué des ressources pour payer les bourses, nous avons pu assurer un financement, aussi bien pour nos étudiants suisses qui partaient en échange en Europe mais également pour les étudiants européens qui voulaient venir et qui venaient échange chez nous."

Une facture qui s'avère salée pour Berne, avec un peu plus de 10.000 étudiants, suisses et étrangers, arrivant et partant chaque année. Mais si pour Pola Cebulak, les échanges universitaires ne devraient ne pas trop pâtir d'un départ du Royaume-Uni de l'Union Européenne et du programme Erasmus, il risque de ne pas en être de même pour la recherche universitaire:

"Je suis assez optimiste sur le maintien des échanges d'étudiants: c'est quelque chose qui fait déjà partie de nos habitudes, de notre culture pan-européenne dans un certain sens. Par contre, le financement de la recherche, cela va sans doute représenter un désavantage pour le Royaume Uni, car le Royaume Uni — comme la Suisse en son temps — a reçu beaucoup plus d'argent dans le cadre du programme européen de recherche, qu'il n'y a contribué."

Au final, ce seraient donc les dizaines de milliers d'enseignants-chercheurs et de chercheurs —britanniques et étrangers- qui par définition ne font pas partie de la "millenium génération" qui pâtiraient le plus du "Brexit" et non, selon les chiffres de la Commission européenne, les 27.400 étudiants européens, dont 6.800 français — étudiant en Angleterre et les 15.000 Britanniques qui chaque année traversent la Manche pour jouir des charmes des universités du continent.

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