Djihadistes français au Levant, la guerre Sainte dopée aux allocs

© REUTERS / Eric GaillardDeux filles djihadistes interpellées à Nice
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Les djihadistes français au Levant sont-ils mal payés? Selon le Figaro, 20% des djihadistes français partis combattre en Syrie et en Irak ont continué à toucher leurs allocations chômage et familiales entre 2012 et 2017. Retour avec Thierry Mariani, auteur d'une résolution sur le contrôle des prestations sociales versées aux djihadistes.

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500.000 euros, c'est la somme que les djihadistes au Levant auraient reçue depuis la France, entre 2012 et 2017. Jeudi dernier, Le Figaro revenait sur le travail d'enquête mené par une section spécialisée de la brigade anti-criminalité et qui aurait mis à nu un vaste réseau d'escroquerie à la vente par correspondance, au crédit à la consommation, ainsi que de fraudes aux allocations chômage et aux prestations sociales. Ainsi, 20% des djihadistes français en Syrie et en Irak auraient continué à percevoir des allocations familiales entre 2012 et 2017, selon nos confrères.

«On était "absurde et aberrant", mais malheureusement on disait la vérité, et […] on n'avait pas avancé ça sous forme de suppositions!» déclare Thierry Mariani.

En octobre 2014, cet ancien député Les Républicains (LR) des Français de l'étranger, avec son confrère Alain Marsaud, avaient déposé devant l'Assemblée une proposition de résolution afin d'enquêter sur les abus d'allocations sociales à des Français partis faire le djihad. Alain Marsaud, lui-même ancien juge antiterroriste, avait notamment souhaité qu'on recoupe les fichiers des caisses d'allocations avec ceux des services de sécurité. Une proposition jugée «absurde» et «aberrante» par la place Beauvau, dont le locataire était alors Bernard Cazeneuve.

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Certains journalistes achevaient le travail en expliquant que pour toucher des prestations sociales, il faut être sur le territoire français et que par conséquent des Français partis combattre à l'étranger ne pouvaient pas profiter de tels subsides. Une argumentation qui ne tient pas, selon Thierry Mariani, qui soulignait alors qu'en 2013 déjà, des faits similaires avaient été constatés au Mali, des circulaires vierges de Pôle emploi ayant été retrouvées dans les caches des islamistes. Pour l'ancien député et ancien ministre, «ce qui est surprenant, c'est qu'on ait mis deux ans finalement, a découvrir ce qu'on dénonçait avec Alain Marsaud il y a déjà un certain temps!»

«Pour être très clair, nous avions des informateurs anonymes, qui étaient en réalité des employés dans les caisses d'allocations familiales, qui avaient de forts doutes et puis je ne vous cache pas aussi que je suis allé un certain nombre de fois en Syrie et qu'un certain nombre d'interlocuteurs nous avaient dit avoir trouvé sur des Français et même sur des Tunisiens- si je me souviens bien- des papiers prouvant qu'ils touchaient des allocations en France.»

Des fraudes aux prestations sociales rendues possible par le concours des familles des djihadistes qui, grâce à la carte d'identité de leurs proches, ont pu continuer à percevoir les aides de la CAF et de Pôle emploi avant de leur envoyer l'argent par mandats internationaux, explique au Figaro, Stéphane, le chef du groupe financier de la Brigade criminelle. Un mode opératoire —par procuration- que décrivait, justement en octobre 2014, Alain Marsaud dans une interview au site d'information Atlantico. Des liquidités d'autant plus bienvenues pour une organisation internationale ayant juré la perte de l'Occident, qu'elle est aujourd'hui en perte de vitesse, tant territoriale que financière.

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De l'argent du contribuable dans la poche de djihadistes, un cas de figure qui n'inquiète pas que les autorités syriennes ou maliennes. Salah Abdeslam, qui travaillait comme cogérant d'un bar à Molenbeek, avait malgré tout continué à toucher des aides de l'assurance chômage belge… Des fonds qui ont pu servir à financer en partie les attentats de Paris en novembre 2015 et de Bruxelles en mars 2016, comme le soulignait le Wall Street Journal au mois d'août de la même année, révélant que quatre autres terroristes ayant participé à ces attentats avaient profité de subsides de l'État. Un rapprochement qui n'avait pas été du goût des autorités belges, le porte-parole du Premier ministre évoquant auprès du quotidien américain «un raccourci intellectuel».

Mais au-delà du cas de ces djihadistes, Thierry Mariani pointe du doigt un système «en roue libre», où les abus, tant pour des raisons politiques que par manque d'effectifs, sont toujours plus nombreux. Un secret de polichinelle qu'il est plus que jamais politiquement incorrect de denouncer. Claude Guéant, en novembre 2011, en avait fait la douloureuse expérience pour avoir critiqué ceux qui, après un passage rapide par la France, repartaient vivre dans leurs contrées lointaines.

Mais ces fraudes ne sont pas l'apanage de résidents étrangers en France, des Français résidant à l'étranger sont également gourmands de subsides —délivrés de manière peu contrôlée par les organismes sociaux- leur permettant de s'assurer un niveau de vie confortable. Un comportement que dénonce aujourd'hui Thierry Mariani, qui revient sur son expérience d'élu des Français de l'étranger —tout particulièrement en Asie du Sud-Est- où certains expatriés n'ont pas hésité à lui avouer vivre sur les allocatins sociales, ne revenant en France que tous les 18 mois pour se soumettre aux rares contrôles d'une administration aujourd'hui surchargée.

«Finalement j'ai découvert qu'on pouvait rester près d'un an et demi dans ces pays. Grâce à Internet, on peut répondre comme si on était dans son village, à repousser les rendez-vous, à répondre n'importe quoi et on peut toucher les prestations sociales en France pendant un an et demi sans le moindre contrôle et sans la moindre présence et vous avez- je pèse les mots —des milliers de personnes dans cette situation.»

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Un manque de contrôles que fustige l'ancien député, prenant l'exemple des déclarations mensuelles de l'assurance chômage effectuées en ligne:

«Rien ne vous empêche de le remplir en étant au fin fond de la Syrie, d'un pays africain ou d'un pays en Asie. En réalité, tout cela fait que avec un système ou le nombre d'assistés explose et où les employés sont débordés les contrôles sont quasiment inexistants. Il faut vraiment beaucoup de malchance pour se faire prendre.»

Augmenter les mesures de contrôle? Une suggestion faite aux CAF par la Cour des comptes pas plus tard que cet été. Il faut dire que pour la seule année 2016, avec pas moins de 43.000 fraudes constatées, le montant des escroqueires aux allocations familiales s'élevait à 275 millions d'euros (soit une augmentation de 8% par rapport à 2015). Fin juillet, après un long travail d'enquête de la PAF, un réseau de 1.200 fraudeurs, étrangers, aux prestations sociales était démantelé dans les Hauts-de-France. Montant du préjudice pour la région: un million d'euros par mois.

Si les politiques semblent jusque-là s'accommoder de ces largesses involontaires des finances publiques, reste à savoir jusqu'où les Français les toléreront, qui plus est dans un pays réputé pour son niveau record de prélèvements obligatoires ainsi que pour l'intransigeance de son administration fiscale à l'égard des contribuables.

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