RCA: "L’introduction du russe à l’université trahit une distanciation culturelle avec la France"

© Sputnik . Grigory Sissoév / Accéder à la base multimédiaDes étudiants lors d'un cours de russe à l'université, image d'illustration
Des étudiants lors d'un cours de russe à l'université, image d'illustration - Sputnik Afrique, 1920, 01.12.2021
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La langue russe sera obligatoire dans les universités centrafricaines dès la rentrée prochaine. Une décision qui rentre dans le cadre de l'intensification de la coopération entre la Russie et la Centrafrique. Et qui, selon un analyste, trahit un peu plus une "certaine distanciation culturelle et diplomatique" entre Bangui et Paris.
"L’introduction de la langue russe comme discipline obligatoire dans les universités centrafricaines marque un pas de plus dans le renforcement de l’axe Bangui-Moscou. C’est une autre manifestation de l’extension de la puissance de Moscou dans ce pays d’Afrique centrale. Mais aussi cette décision trahit une certaine distanciation culturelle et diplomatique entre la Centrafrique et la France", explique à Sputnik Freddy Lagme, géostratège et enseignant à l’université de Douala.
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En effet, à en croire Jean Kokidé, le secrétaire général de l’université de Bangui, interviewé par l’agence de presse turque Anadolu, la langue russe sera enseignée à l’université dès la rentrée 2022/2023. D’après ce dernier, "des préparatifs sont en cours" pour que l’apprentissage de l’alphabet cyrillique devienne obligatoire pour les étudiants en Centrafrique dès la première année d’université.
Une décision qui ressort des directives faites par le Président Faustin Archange Touadéra lors du dernier Conseil des ministres. Ce dernier veut en faire, à en croire la presse locale, une discipline obligatoire et enseignée dès la première année de licence jusqu’au Master.

Distanciation vis-à-vis de la France?

Enclavée au cœur de l’Afrique centrale, la République centrafricaine (RCA) est depuis son indépendance considérée comme partie prenante du pré-carré français. Bangui a longtemps constitué un point clé de la démonstration de l’influence de la France sur le continent à travers de multiples interventions dans la gestion de son pouvoir. Si une profonde proximité culturelle existe entre les deux États, qui partagent une longue histoire coloniale, la présence russe dans le pays depuis quelques temps y a eu raison de l'influence française.
Engagée depuis 2018 dans une coopération militaire avec le gouvernement du Président Touadéra, la Russie revendique officiellement la présence de 1.135 instructeurs russes en Centrafrique. Par ailleurs, la coopération militaire entre la France et la RCA s’est nettement refroidie. Et au fur et à mesure que l’influence de Paris s’effrite, le sentiment antifrançais au sein de l’opinion ne cesse de monter dans le pays. Au-delà de l’aspect militaire, Bangui s’est aussi lancé dans la diversification de sa coopération avec des nouveaux partenaires -comme Moscou- sur les plans économique, commercial, industriel... Une coopération qui pour s’étendre nécessite, souligne Freddy Lagme, de "créer une certaine proximité culturelle et des nationaux qui communiquent avec les Russes". Pour lui, "l'université est le milieu par excellence d'initiation à une civilisation importée", et cette démarche s'analyse comme un "instrument de soft power" de la part de la Russie.
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"Notons que l'Afrique centrale est un espace de nouvelles conquêtes des grandes puissances. Pour s'imposer et se faire une place stratégique dans le golfe de Guinée, la Russie doit étendre sa culture et sa civilisation, afin de former des Africains qui pourraient à leur tour porter une idéologie +Russafrique+", d'après le géostratège camerounais.
"Ceci permettrait de contrecarrer les autres puissances occidentales qui sont bien présentes sur le sol africain" conclut Freddy Lagme, géostratège et enseignant à l’université de Douala.
Présenté comme le terrain d’expression de la rivalité entre Moscou et Paris, la Centrafrique est depuis 2013, le théâtre d’affrontements entre groupes armés qui commettent d’innombrables exactions. Le 6 février 2019, les protagonistes de la crise ont signé un nouvel accord pour le retour à une vie normale. Plus de deux ans après, les violations du huitième accord de paix sont encore nombreuses sur le terrain. Si le Président Touadéra a réussi grâce au soutien des instructeurs militaires russes et des soldats rwandais à repousser les assauts des rebelles loin de Bangui, de nombreuses attaques furtives sont encore enregistrées dans l’arrière-pays, malgré la présence des Casques bleus de la Minusca.
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