Pauvreté, sanctions américaines et radicalisation: cocktail explosif pour la résurgence de Daech

© Sputnik . Andreï Stenine  / Accéder à la base multimédiaDrapeau de Daech*
Drapeau de Daech* - Sputnik Afrique, 1920, 08.02.2022
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Bien que défait sur le terrain en 2019, l’État islamique* recrute toujours. L’organisation djihadiste profite du marasme économique au Liban. La pauvreté causée par les sanctions américaines est également une aubaine pour Daech* en Syrie.
Du cauchemar à la réalité. La résurgence de l’État islamique (EI)* n’est plus uniquement une expression journalistique utilisée dès la moindre secousse terroriste au Moyen-Orient, mais bien un phénomène visible sur les terrains syrien et irakien. Pire, la conscription reprend de plus belle dans certaines parties du Moyen-Orient. C’est notamment le cas à Tripoli, deuxième ville du Liban. Les autorités libanaises s’alarment face à l’augmentation du départ des jeunes pour rejoindre des cellules en Irak et en Syrie. D’ailleurs, le ministre de l’Intérieur libanais doit se rendre dans les prochains jours à Bagdad pour instaurer une coordination des actions des deux pays. Une cinquantaine de jeunes auraient rejoint Daech* depuis janvier 2022.
Ce n’est pas la première fois que Tripoli se signale dans ce registre. En septembre dernier déjà l’armée libanaise y avait démantelé un réseau terroriste affilié à l’État islamique*. Les soldats ont arrêté plusieurs personnes qui ourdissaient des attentats contre les institutions libanaises. Cette traque a permis de mettre la main sur de nombreuses armes, munitions et explosifs. Active depuis juin, la cellule djihadiste avait tenté de recruter d'autres membres.

Daech* proposerait un salaire de 5000 dollars par mois

"Ce n’est pas nouveau, l’armée a les yeux rivés sur Tripoli", martèle Ibrahim, un officier de l’armée libanaise travaillant dans le nord du Liban. D’ailleurs, pas plus tard qu’hier, des affrontements armés ont eu lieu avec les militaires. Un homme a été tué et un soldat blessé. Le général Joseph Khalil Aoun est actuellement en visite dans cette ville ravagée par l’insécurité.
"La pauvreté est le pire des fléaux de cette ville. L’État est aux abonnés absents. Donc la place est vacante pour toute une myriade de groupuscules qui gravitent autour des sphères djihadistes. Le Liban ferme les yeux sur ce problème majeur", s’insurge le militaire.
À majorité sunnite, cette ville du nord du pays est la plus pauvre de tout le pourtour méditerranéen. La situation économique est pire que dans le reste du pays, déjà sinistré. Régulièrement, des émeutes de la faim éclatent pour faire pression sur le gouvernement. Compte tenu de l’absence de réponse, certains se résignent à l’irréparable. Ils vont gonfler les rangs de Daech*. L’organisation promettrait un salaire mensuel de 5.000 dollars. À titre de comparaison, le smic libanais ne dépasse pas les 30 dollars. "Les cellules terroristes ciblent les jeunes désabusés, sans travail qui veulent se rebeller", rapporte notre source locale avant d’ajouter: "Une partie des jeunes Libanais n’a plus d’espoir, ne trouve pas de travail. Ils ne peuvent pas aider leurs familles. Ils sont vulnérables."
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Le phénomène s’étend au voisin syrien. "En collaboration avec les services syriens, nous sommes au courant que le recrutement de Daech* reste actif de l’autre côté de la frontière", ajoute notre interlocuteur. La pauvreté serait ainsi le terreau où prospère la radicalisation de pans entiers de la société.
En Syrie, plus de 80% de la population vit sous le seuil de pauvreté. La classe moyenne s’étiole. La jeunesse peine à entrevoir un avenir apaisé. Cette crise économique résulte en partie des sanctions américaines. De manière unilatérale, le gouvernement de Donald Trump avait renforcé les mesures coercitives en juin 2020, empêchant de fait Damas de commercer avec l’extérieur. Gel des avoirs, impossibilité d’accès au système bancaire américain: 411 personnalités syriennes et 111 entreprises, banques et organes étatiques syriens étaient dans le viseur de Washington.

Pékin et Moscou dénoncent

En raison de récentes légères inflexions censées permettre l’acheminement de gaz égyptien vers le Liban, certains élus républicains étaient montés au créneau pour demander la stricte application de la loi César sur la Syrie. En d’autres termes, couper tous les liens avec Damas.
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À ce propos, la Russie et la Chine ont ouvertement critiqué au Conseil de sécurité de l'Onu les "sanctions unilatérales", infligées par les États-Unis. Les restrictions coercitives "ne font qu'exacerber les rapports de forces", estimait l’ambassadeur chinois aux Nations unies, Zhang Jun.
Résultat, malgré son recul territorial, l’État islamique* se referait une santé sur les décombres économiques des pays de la région. L’Irak ne fait exception.
"Avec nos partenaires étrangers, nous savons qu’ils n’ont plus réellement d’assise territoriale, mais ils sont présents dans le désert syrien, à l’est de l’Euphrate, dans le gouvernorat d’Al-Anbar à la frontière syrienne (en Irak) et c’est une menace à prendre très au sérieux", s’alarme Ibrahim.
Outre les attaques régulières de troupes syriennes et irakiennes, les djihadistes ont tenté le mois dernier de libérer par la force les détenus de la prison de Hassaké. Cet assaut spectaculaire prouve bien que le terrorisme est très loin d’être mort. Consciemment ou inconsciemment, Washington participerait à sa résurgence au Moyen-Orient. L’oncle Sam alimente le phénomène en asphyxiant littéralement l’économie des pays qu’il punit. Et cela tout en faisant croire à son rôle positif comme lors de la récente opération terrestre qui a amené à l’élimination du leader de Daech*en Syrie.
"C’est uniquement l’économie qui éliminera le phénomène djihadiste de nos pays", nous précise le militaire. Pour l’heure, entre un Liban au bord du chaos économique et social et une Syrie qui peine à se relever d’une décennie de conflit, les groupes terroristes arrivent toujours à lever la tête.
*Organisation terroriste interdite en Russie.
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