Les féministes algériennes ne baissent pas les bras malgré une année 2020 marquée par une quarantaine de féminicides. Au contraire, elles lèvent la main contre les violences faites aux femmes. Depuis le 25 novembre –déclaré par l’ONU Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes–, des photos de mains teintes au henné sont apparues sur les réseaux sociaux.
Nadia Leïla Aïssaoui, sociologue et activiste féministe, est l’initiatrice de cette campagne visuelle.
Elle indique à Sputnik que l’idée lui est venue en voyant une photographie postée sur Facebook par une jeune femme, Sarra Salemi, en solidarité avec Naïla Benchekor, la lycéenne d’Oran qui, en novembre, avait été interdite de cours à cause de sa chevelure frisée.
Sur cette photo, Sarra Salemi ouvre la main en forme de khamsa (tafust en berbère), symbole nord-africain pour préserver du mauvais œil, également appelée «main de Fatma».
«Cette photo de Sarra Salemi, avec sa main en khamsa teintée au henné, je l’ai trouvée à la fois tranquille et très puissante car elle convoque des références qui sont nord-africaines, traditionnelles et en même temps d’actualité.»Elle réfléchissait à donner une dimension visuelle à leur implication dans la campagne du 25 novembre et «j’ai eu l’idée de construire une continuité entre la photo de Sarra et le fait de se dire "levons la main contre les violences". Les collectifs ont trouvé le concept très intéressant et des femmes de tous profils ont commencé à envoyer des photos», explique Nadia Leïla Aïssaoui.
«Mâle maléfique»
Elle estime important «d’inscrire la lutte dans la continuité en mettant en valeur les traditions pour une cause politique». Selon Nadia Aïssaoui cette main convoque deux symboliques fortes au Maghreb.
«La khamsa qui éloigne le mal, dans le sens "mâle maléfique", et le henné qui est symbole de bénédiction puisqu’il est utilisé dans les moments de joie.»
De plus, l’ONU a choisi l’orange comme couleur officielle de cette campagne, qui se trouve être aussi la couleur du henné.
Mais les féministes algériennes ne comptent pas s’en tenir uniquement à la symbolique, elles ont également lancé une série d’initiatives dans le cadre de cette campagne internationale qui se poursuivra jusqu’au 10 décembre 2020. Dans une lettre ouverte adressée au gouvernement, une quinzaine d’associations et de collectifs féministes ont exigé l’élaboration de «politiques publiques qui permettent d’éliminer, dans les faits, les violences et leurs causes».Ce texte comporte une liste d’actions à mettre en œuvre pour protéger les victimes. Parmi ces propositions figure le «développement de programmes de formation des professionnels de la police, de la justice, des services sociaux pour protéger les victimes, éloigner l’agresseur, enregistrer la plainte, orienter les victimes vers des structures dédiées». Nadia Leïla Aïssaoui se dit optimiste car elle constate une prise de conscience au sein de la société algérienne.
«Toutes les campagnes féministes laissent des traces, il faut les capitaliser. Si l’on prend l’exemple du Hirak, le mouvement de contestation contre le système politique, au début, il y avait une réelle hostilité envers le carré féministe [le collectif des féministes du Hirak, ndlr] lors des marches hebdomadaires.»
«La constance de ces militantes dans la rue, la mobilisation sur les réseaux sociaux, qui était inscrite dans le dialogue, sont autant d’éléments qui ont fait que ce carré s’est imposé dans l’espace public», souligne-t-elle.
Incroyable énergie au carré féministe : slogans en hommage aux moujahidates et contre le code de la famille 💪🏽 pour un changement de régime #Algérie #Hirak #حراك_22_فيفري pic.twitter.com/x6OKatPN3C
— Salsabil Chellali (@SaChellali) February 21, 2020
Selon Nadia Leïla Aïssaoui, cette avancée a été possible grâce à l’engagement des collectifs féministes et à l’utilisation des réseaux sociaux qui sont des «outils de conscientisation exceptionnels».
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