L’Arctique et la guerre. Scénarios annoncés

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Il y a un an les Européens du Nord ont décidé de convoquer un Congrès à Londres pour débattre de l’avenir de la région polaire. L’idée en soi semble être intéressante.

Il y a un an les Européens du Nord ont décidé de convoquer un Congrès à Londres pour débattre de l’avenir de la région polaire. L’idée en soi semble être intéressante. Tout de même il serait patent de supposer que cette initiative va de pair avec le déplacement de la marine de l’OTAN qui prévoit plusieurs exercices dans la région. Les Russes se sentent concernés parce que au jour d’aujourd’hui ils essaient de prouver à cors et à cris que la ligne de leur littoral respectif se prolonge sous les ondes glacées de l’océan arctique presque jusqu’au Pôle Nord. Les résultats de la prospection ont été présentés aux commissions internationales respectives qui doivent trancher avant la fin de l’année. Le Canada le prend de travers et entend donner son propre concept des frontières. Le ton monte. Cependant, la Russie est le seul pays à posséder une flotte des brise-glaces à propulsion nucléaire rendant ces eaux navigables au cours de l’année.

L’enjeu stratégique que représente la région est tel que nous avons tenu à questionner l’un des meilleurs experts français en la matière, un collaborateur de l’Institut français des Relations Internationales et Stratégiques, très proche de la Défense, Philippe Migault.

La Voix de la Russie.Monsieur Migault, voues êtes un spécialiste de la Russie à l’IRIS et ancien grand reporter au Figaro. Londres accueille aujourd’hui le congrès des pays nord-européens, à savoir : Grande-Bretagne, Islande, Suède, Danemark, Finlande, Norvège, Estonie, Lettonie et Lituanie . L’ancien ministre de la Défense de Norvège avait généré l’idée de la création d’une Suisse scandinave. Est-ce que cette idée des soi-disant Etats-Unis arctiques vous paraît tangible ou c’est plutôt un rêve dans la brume polaire comme l’avait déjà baptisé certains experts américains ? Enfin, quel pourrait être le but d’une telle union – ne serait-ce pas pour contrer la Russie qui s’active beaucoup pour préciser le tracé de ses frontières polaires en faisant de la prospection polaire ?

Philippe Migault. L’idée d’avoir une organisation des Etats du Nord de l’Europe c'est-à-dire des états scandinaves, britannique et baltes peut se justifier dans une certaine mesure du point de vue culturel parce que ce sont des gens qui partagent ds valeurs et le mode de vie en commun. Maintenant du point de vue politique je ne vois pas très bien où tout cela peut amener. Les intérêts des Baltes, les intérêts des Scandinaves, les intérêts des Finlandais et les intérêts des Britanniques sont beaucoup trop différents pour qu’on puisse assister à une construction politique pertinente. Quant à savoir s’il s’agit de s’opposer à l’action de la Russie en Arctique, je ne pense pas. On peut imaginer ça de la part des Baltes, notamment, parce que les Baltes ont toujours un vif ressentiment vis-à-vis de la Russie. Pour autant est-ce qu’on peut imaginer ça de la part des Suédois ou des Norvégiens, je n’en suis pas persuadé du tout. A plus forte raison de la part des Islandais qui sont quand même des gens qui n’ont pas du tout la culture de l’affrontement. Je pense honnêtement que tout cela relève d’une tempête dans un verre d’eau comme on dit en France.

La Voix de la Russie.Du 12 au 21 mars l’OTAN mènera des manœuvres dans la zone arctique. Il y aura même des porte-aeronefs qui doivent s’y joindre comme, par exemple, le bâtiment de guerre britannique Illustrious. Croyez-vous que cette initiative serait en corrélation avec la création d’un nouveau corps de l’armée russe pour assurer la sécurité des frontières polaires. Cela a été annoncé par Vladimir Poutine au mois d’août 2011. Les Russes voudraient également renforcer leur dispositif par 2 Mistrals achetés à la France. Dans votre analyse du 22 février dernier, vous avez déclaré que si nous ne voulons pas que la Russie réarme il faudrait déjà cesser de l’inquiéter. Y a-t-il d’après vous un risque de tension  avec le Canada qui s’est déclarée prête à défendre ses prétentions en Arctique bec et ongles ?

Philippe Migault.Ecoutez, pour ma part, je pense que ce type d’exercice – là vous faites allusion à l’exercice Cold Response 2012– est un exercice d’abord qui a été prévu de longue date. C’est un exercice où prennent part un grand nombre de nations, y compris des nations amies des Russes, parce que je vous rappelle qu’il y a des bâtiments français qui vont manœuvrer en Arctique dans le cadre de cet exercice. Donc, jr pense très honnêtement que ce type de manœuvres militaires peut éventuellement inquiéter mais je pense qu’effectivement ça n’a pas de raison d’être. Pourquoi ? Certes, il va y avoir des manœuvres sur le littoral norvégien mais il va aussi y avoir des manœuvres dans la région auxquelles la Russie va prendre part en mai prochain. Les Russes et les Norvégiens vont faire des manœuvres communes en Mer du Nord avec des tirs d’artillerie communs, avec des actions de simulation anti-terroristes communes. Ce n’est pas certainement révélateur d’une tension potentielle. De même qu’il va y avoir des exercices en Mer Baltique en septembre prochain, C’est l’’exercice de l’année 2012 où la marine russe est également conviée à travailler avec les marines de l’OTAN. Je pense très honnêtement qu’il faut faire attention à ne pas s’alarmer outre-mesure pour de simples manœuvres militaires. Parce qu’après tout,  que ce soit des navires français, des navires norvégiens ou les navires russes, très régulièrement ce sont des marines qui travaillent ensemble. D’ailleurs, on travaille régulièrement ensemble en la matière de lutte anti-piraterie dans l’Océan Indien. Donc, je pense très honnêtement que ce n’est pas nécessairement révélateur d’une tension qui monte. Je ne pense pas non plus que ce soit une réponse à la volonté russe de créer deux brigades d’infanterie motorisée en Arctique. Tout simplement parce que là on parle d’un dispositif naval qui est censée simuler une opération qui se passerait sous le mandat des Nations-Unies – exercice qui a pour but une dimension anti-piraterie. On est très-très loin d’un exercice de simulation contre une menace étatique. Je pense qu’il ne faut pas s’alarmer outre-mesure de ce genre d’actions.

Il est à dire que nous assistons à un changement de climat des plus étonnants qui est en train de s’opérer sous nos yeux. Je me souviens qu’encore enfant, je patinais en 1979 sur le lac du bois de Boulogne par moins 3 degrés centigrades. Aujourd’hui il fait plus 15 au mois de janvier à Paris. Le dégel libère progressivement le bassin arctique et adoucit le climat rendant les voies nordiques navigables. Les trajets aériens ne décrivent plus des courbes mais traversent en direct la calotte polaire et selon les scientifiques la banquise a fondu de plus de 50 p.c. par rapport à son état des années 60. Tout cela nous avance à croire que demain peut être ce Mare Nostrum pourrait devenir le centre du monde de l’hémisphère Nord, une sorte de mer intérieure des pays européens et de l’Amérique. C’est cette logique-là que pourraient épouser les gouvernements des pays scandinaves pour offrir une nouvelle donne à l’Europe qui pourrait se retirer à l’intérieur de ces terres septenrionnales loin du tumulte et des périls générés par un Sud énergique.

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