L’OCS, un éventuel concurrent de l’OTAN ?

L’OCS, un éventuel concurrent de l’OTAN ?
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Thierry Meyssan, ex-membre du gouvernement libyen et président-fondateur du site de réinformation « Réseau Voltaire » nous a exposé son point de vue quant au véritable rôle de l’OCS en y joignant une réflexion sur la place de l’Inde en son sein.

Les véritables enjeux de l’Organisation de Coopération de Shangai (OCS) ont fait couler pas mal d’encre. Certains y voient une entité concurrentielle à l’OTAN, considérant que la Russie a tout intérêt à ressusciter le Pacte de Varsovie mais, cette fois, avec des acteurs émergents parmi lesquels figure, nouvellement, l’Inde. D’autres experts, tels que Cyrille Barski, coordinateur national de l’OCS en Russie, considère que l’Organisation ne sous-tend aucune visée militaire mais essentiellement coopérative. Il s’agirait de consolider des alliances qui se sont progressivement nouées durant les années 2000. Si évidente soit la complémentarité des deux interprétations, il est clair que la course aux sanctions a déjà fortement conditionné le fond des enjeux déclinés jusqu’à faire de l’OCS un pôle de résistance économique, voire militaire à l’OTAN.

Thierry Meyssan, ex-membre du gouvernement libyen et président-fondateur du site de réinformation « Réseau Voltaire » nous a exposé son point de vue quant au véritable rôle de l’OCS en y joignant une réflexion sur la place de l’Inde en son sein.

La Voix de la Russie. Dans un article publié sur le Réseau Voltaire en septembre 2010, soit il y a pile 4 ans, on remarque une certaine focalisation sur l’instabilité politique de l’OCS, aspect mis en contraste avec son incontestable puissance militaire. Comment auriez-vous caractérisé la dynamique de cette instabilité au bout de 4 ans, notamment sur fond de sanctions ?

Thierry Meyssan. Je pense que la situation a considérablement évolué. Quand l’Organisation de coopération de Shangai a été crée, l’objectif était exclusivement de lutter contre le terrorisme dans la Vallée de Ferghana et le développement de cette lutte, par la suite, en Russie et en Chine. Il s’agissait donc de prévenir les actions d’infiltration de groupes fabriqués par les USA et le Royaume-Uni pour venir semer le désordre. Cet organisme a par la suite évolué en prenant une dimension économique, politique et militaire. Aujourd’hui, il est en train de devenir un véritable pacte. Dans la conférence qui a lieu actuellement, il est tout à fait probable que l’Iran, l’Inde mais aussi le Pakistan vont être acceptés comme membres à part entière. Si c’est le cas, cela voudra dire que 40% de la population mondiale se trouveront représentés au sein de cette organisation. Cela devient quelque chose de très important parce que susceptible de rééquilibrer le monde face à l’alliance constituée autour des USA.

LVdlR. La Chine a longtemps été réticente à l’admission de l’Inde dans l’Organisation, manifestement en raison de ses accointances avec Washington. Or, après la nomination de Narendra Modi au poste de Premier ministre, le revirement de la Chine ne s’est pas fait attendre. Peut-on maintenant considérer que l’Inde est définitivement sortie de sous le contrôle étasunien ?

Thierry Meyssan. Ce n’est pas sûr mais c’est quand même un pari qui est fait à la fois par la Chine et par la Russie. Le dernier gouvernement indien a mené plusieurs politiques en même temps et a en effet flirté avec les USA, notamment sur la question nucléaire. Il est clair qu’il y a eu alors un éloignement de la Russie. Ceci dit, le discours de Dehli ne correspondait pas à ses actes. A l’heure actuelle, le nouveau gouvernement qui se présente comme un gouvernement nationaliste semble revenir à la politique officielle et non pas officieuse de son prédécesseur. Mais enfin, on verra à l’usage. Encore une fois, il s’agit d’un pari ! Rien ne permet aujourd’hui d’être absolument certain de la bonne foi de Narendra Modi.

LVdlR. Etes-vous d’accord avec le fait que l’OCS joue un rôle qui pourrait être qualifié de concurrentiel vis-à-vis de l’OTAN ? Si c’est le cas, pourrait-on à terme s’attendre à de nouvelles vagues de déstabilisation et/ou de mesures répressives dans et contre les pays membres ?

Thierry Meyssan. Les dispositions contre la Russie, l’Inde et la Chine ont déjà été prises. J’entends la création de l’EI dont l’activité se situe pour le moment en Irak et en Syrie mais c’est une organisation qui est appelée à durer plusieurs décennies. Son objectif final, c’est de soulever ou tout au moins de perturber les populations musulmanes de ces trois grands pays. Souvenons-nous, par analogie, d’Al-Qaïda au moment de sa création. Il a commencé son activité en Afghanistan contre les soviétiques mais s’est développé par la suite contre tous les intérêts russes partout dans le monde, en ex-Yougoslavie comme en Tchétchénie. Cela pour dire que la riposte existe déjà.

Ceci dit, il ne faut pas comparer l’OCS avec l’OTAN. La logique de ces deux organisations est très différente. L’OTAN tient à un système de suzerains et de vassaux. Les membres de l’OTAN sont au service des USA et du Royaume-Uni qui dirigent ce système alors que dans l’OCS il y a certes deux poids lourds qui sont la Russie et la Chine mais qui ne prétendent pas vassaliser leurs alliés ! Chaque Etat conserve son autonomie et son indépendance. La Russie et la Chine ne sont pas des puissances impérialistes comme le sont les USA et le Royaume-Uni.

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