Royaume Uni, Hongrie : l’Union Européenne en voie de dislocation ?

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En quittant l’UE, le Royaume Uni – L’histoire future le dira – a sans doute porté un coup fatal à l’idée d’une Europe unie telle qu’elle a existé depuis la signature du traité de Rome en 1957. L’idée d’un sens de l’histoire, allant vers une intégration irrésistible et irréversible groupant toujours plus de nations, a volé en éclat définitivement.

Le référendum hongrois, fait contre la volonté de Bruxelles est un nouveau coup dur. Désormais, les états de l’Union n’hésitent pas à se dresser ouvertement contre les instances européennes lorsqu’ils estiment qu’une mesure va à l’encontre de leur intérêt. Pour la première fois, un état membre de l’Union, qui plus est membre fondateur, Le Luxembourg, a demandé l’exclusion pure et simple d’un autre, la Hongrie. l’Irlande, et l’affaire Apple, en est un autre exemple plus discret, mais lourd de menaces.

© REUTERS / Francois LenoirLe premier ministre hongrois Viktor Orban
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Le premier ministre hongrois Viktor Orban

L’élan brisé ou la Fin du “sens de l’histoire” : L’Ukraine, la Turquie ou la Géorgie ne feront jamais partie de l’Union Européenne…

Souvenez vous c’était hier ! l’expansion de l’Union Européenne paraissait irrésistible. La Turquie, l’Ukraine, la Moldavie, voire la Géorgie, pourquoi pas ? étaient voués à faire partie de l’UE, le tout paré de toute les vertus : démocratie, prospérité économique… Certains esprits bien avisés avaient beau mettre en garde, sur le fait qu’assembler des pays qui n’ont en réalité rien en commun était une folie, les “européistes” balayaient d’un revers de main ces arguments, qui ne pouvaient venir que de vieux ringards grincheux et rétrogrades. Il est vrai qu’à l’époque, le fameux sens de l’histoire (si cher aux marxistes, rappelez vous) semblait leur donner raison. Mais il faut se méfier du sens de l’histoire que l’on croit discerner quand ça nous arrange. On croit qu’il roule pour vous, et puis patatras, survient un imprévu et tout est flanqué par terre.

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L’histoire est pleine des ces hommes ou de ces empires qui croyaient durer toujours. Qu’en reste-il aujourd’hui ?   

LES TROIS COUPS DE BOUTOIR QUI EBRANLERENT l’UNION EUROPEENNE

“Par temps calme, tout le monde est capitaine” (proverbe de la marine)

Tout d’abord, l’Ukraine, paroxysme du délire et de la bien pensance européiste. Des “experts” pensaient sans sourciller que l’on allait intégrer tranquillement dans une union économique, et pour le bien de tous, un état de 45 millions d’habitants gangréné par la corruption et la paupérisation, ou le revenu par habitant est 20 fois inférieur à l’Europe de l’Ouest, inférieur au revenu moyen en Chine !

Naturellement, malgré les dénégations des “experts” tout le monde a compris (avec soulagement) que l’adhésion n’adviendrait pas.

Beaucoup plus grave, l’action de l’UE et la crise Ukrainienne. L’Union, loin d’être le facteur de paix qu’elle prétend être toujours et partout, par son attitude irresponsable, a directement contribué au déclenchement de la crise de 2014.

Au mépris de tout bon sens, de toute prudence et de toute mesure, l’Europe a sciemment méconnu la réalité historique de l’Ukraine, en décidant qu’il y a avait les “bons” pro-Europe et des “méchants” pro-russes. Allant jusqu’à soutenir un coup d’état contre un président qui malgré tous ses défauts, avait été régulièrement élu. C’est toute l’UE qui a été discréditée dans cette affaire, et qui s’est retrouvée hors jeu pour la suite des évènements. 

Ensuite, la Turquie. Sur une longue période, ce dossier fût un autre exemple de ces délires irresponsables. Dès les départ, il ne choquait semble t-il personne au sein de l’UE que l’on négocie l’adhésion d’un état qui ne reconnaissait pas de facto l’intégrité d’un pays déjà membre — Chypre – puisqu’il a annexé militairement 40% de son territoire ! Mais l’enchaînement des derniers évènements en Turquie – conflits armés, attitude pour le moins étrange face à l’état islamique, tentative de coup d’état, chantage à peine voilé envers l’Europe à propos des migrants etc… creva finalement cette baudruche : il fallut s’y faire, la Turquie n’est européenne ni par sa géographie, ni par son histoire, ni par sa culture, ni par ses mœurs politiques, malgré un vernis occidental de certaines élites. L’Autriche a demandé par la voix de son chancelier qu’on en finisse avec cette “fiction diplomatique” — je cite — d’une possible adhésion de la Turquie à l’UE. 3 siècles auparavant, les princes autrichiens chassaient les turcs de Budapest…   

Enfin, la crise des migrants de l’été 2015, non prévue et non gérée par des dirigeants complètement dépassés, porte sans doute le coup de grâce : l’espace Schengen est mort cf. infra…

© Photo de blogueur"L’espace Schengen est mort..."
L’espace Schengen est mort...  - Sputnik Afrique
"L’espace Schengen est mort..."

Les racines du mal : des élargissements vers l’Europe de l’Est bâclés, des pays à l’histoire différente, des différences culturelles en réalité inconciliables.

Avec la fin de l’Union soviétique, les ex “pays de l’est” avaient soif d’occident. Naturellement, leur appartenance au continent européen ne faisait aucun doute. L’adhésion à l’Europe fût menée tambour battant. Leur propre histoire aurait pourtant du inciter à davantage de prudence.

D’abord parce que leur isolement du reste de l’Europe durant l’époque soviétique les avaient conduit à idéaliser l’Europe de l’Ouest et à concevoir une vision largement fausse.

Beaucoup, ne pensent au fond qu’à l’Amérique, en adhérant ventre à terre à l’OTAN, dont ils deviennent rapidement les zélés serviteurs. Aussi zélés qu’ils le furent pour le Pacte de Varsovie en son temps… Manipulés consentants par un gouvernement américain mettant de l’huile sur le feu notamment dans la crise ukrainienne, Ils contribuent à entraîner l’Europe à devenir davantage encore une simple colonie américaine, menant une politique absurde de règlements de comptes contre la Russie. Une politique au final contraire à nos intérêts.

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Ensuite, parce que leur vision de l’histoire est radicalement opposée à celle des états d’Europe de L’Ouest. C’est sans doute le plus grave. On ne peut rien comprendre à la situation actuelle en ignorant cette réalité : 

Les pays d’Europe de l’Ouest comportent les ex-puissances coloniales (Royaume Uni, France, Espagne Portugal, Hollande, Belgique…) qui ont toutes, après la décolonisation, cultivé la repentance envers les ex colonisés.

Chez les pays d’Europe orientale, c’est totalement l’inverse : dans leur mémoire collective, Baltes, Polonais et autres se considèrent comme des victimes de l’histoire. Victimes historiques des empires continentaux, russe, allemand, autrichien, turc… par conséquent, ils ne doivent rien à personne : c’est eux au contraire qui ont droit à des égards !

© Photo de blogueurL'Europe au XVIème siècle
L'Europe au XVIème siècle - Sputnik Afrique
L'Europe au XVIème siècle

Le déclencheur de la dislocation : des problèmes géopolitiques, mal gérés par des  politiques médiocres, dépassés par les évènements,.

Cette profonde fracture culturelle et historique, latente jusque là, a littéralement explosé avec l’affaire des migrants lors de l’été 2015. Loin de partager la repentance et la culpabilité permanente et pleurnicharde des élites au pouvoir en Europe de l’Ouest, Allemagne en tête, les pays d’Europe orientale considèrent très vite qu’ils n’ont aucun devoir particulier envers les hordes de migrants en provenance du sud. Ils n’entendent donc pas spécialement les accueillir, et prennent rapidement les mesures appropriées : fermeture des frontières, clôtures barbelées.  C’est la mort de la libre circulation dans l’UE.

La rupture politique et idéologique est alors consommée. Le “groupe de Visegrad” (Pologne, Hongrie, Tchéquie, Slovaquie) se reforme. Il constitue un bloc à part qui se pose éventuellement contre Bruxelles.

L’Union européenne intéressait les ex pays du bloc de l’Est aussi longtemps qu’ils y voyaient leur intérêt en terme d’espèces sonnantes et trébuchantes ; à partir du moment ou il devaient à leur tour faire preuve d’une certaine solidarité, quelle qu’elle soit, les choses se sont gâtées.

Avec le recul, il est clair que l’élargissement à l’Est à été bâclé : il aurait fallu, pour avoir une chance de réussir, mettre en place une période de transition beaucoup plus longue, 10 ans, voire davantage. Désormais, c’est trop tard. 

Car la solidarité ne peut se faire à sens unique. Ils ne sont pas les seuls dans ce cas. Mentionnons l’Irlande qui, nation pauvre lors de son adhésion, à largement profité des fonds européens. Aujourd’hui, les choses ont changé, avec l’affaire Apple et le refus de l’Irlande de revenir sur les 13 Mds d’€ de “ristourne” fiscale contestés par Bruxelles. Une bombe a retardement…

Mentionnons enfin la Grèce. Les pays de l’UE et surtout de la zone € y ont déversé patiemment des centaines de Md€ depuis son adhésion en 1981, sans grand résultat, sans retour, et sans autre perspective que de remettre au pot, encore et encore. De même que trop d’impôt tue l’impôt, trop de solidarité à sens unique finit par tuer la solidarité.

Pour l’instant entre parenthèses depuis l’été 2015, l’affaire grecque ne peut que mal finir, pour ses habitants plongés dans une crise interminable, et pour tous les états bailleurs de fonds qui ne reverront jamais leur argent. Rappelons tout de même que jamais pays en paix n’a subi un tel désastre économique depuis la crise de 1929, avec la perte du quart de son PIB ! L’€ devait apporter la croissance et la prospérité à tous ses membres; force est de reconnaître que c’est plutôt loupé, pour employer une litote.

La crise grecque aura fait énormément de mal à l’Europe, également, et peut être aussi de façon irréversible.      

Pour finir, méditons un contre exemple méconnu (hélas) des européens : l’Amérique latine.

L’Europe reposait sur une idée à la fois utopique et généreuse, mais qui s’est avérée fausse : les peuples d’Europe devaient naturellement se rapprocher car ils font partie d’un même continent (aux contours d’ailleurs flous, personne n’étant d’accord sur ses limites).

© Photo de blogueurL'Amérique du Sud
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L'Amérique du Sud

Les européens, qui ont toujours tendance à se regarder le nombril, auraient dû davantage méditer le contre exemple de l’Amérique latine hispanique.

Voilà des nations qui auraient dû depuis longtemps devenir un nouvel état fédéral ! qu’on en juge. Voici des états qui partagent :

—  Une même et unique langue : l’espagnol ;

—  la même religion : massivement catholique,

—  des populations assez semblables, avec des composantes amérindiennes et européennes, auquel se mêlèrent des descendants d’esclaves. D’un pays à l’autre les proportions de ces populations peuvent varier, mais on les retrouve toujours.

—  Une histoire brève, et assez semblable d’un pays à l’autre, depuis leur indépendance (2 siècles au plus) obtenue contre la même puissance coloniale, l’Espagne.

—  Une même problématique, les relations avec leur (trop) puissant voisin, les Etats Unis.

Or, tous ces pays, non seulement ne sont pas en route vers un quelconque fédéralisme, mais ils n’en ont jamais été aussi éloigné. Argentins et chiliens se détestent cordialement, se regardant en chiens de faïence sur leurs frontières de la terre de feu. Il en va de même pour les colombiens et les vénézuéliens, ces derniers étant accusés de soutenir les FARC… Les boliviens en veulent aux chiliens, qui leur ont pris l’accès à la mer à la suite d’une guerre au XIXème siècle, une guerre éclair a opposé Pérou et Equateur pour quelques arpents de forêt il y a une vingtaine d’années, etc, etc…

Partout, le même nationalisme sourcilleux et ombrageux, émaillé de multiples conflits !…

Simon Bolivar (1783–1830), figure emblématique d’Amérique latine, qui tenta en son temps de fédérer cet ensemble de pays que la culture et une histoire commune auraient dû rassembler, lâcha au soir de sa vie, découragé : “J’ai labouré la mer”.

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Simón Bolívar - Sputnik Afrique
Simón Bolívar

Pourquoi dans ces conditions, espérer que des peuples vieux de plusieurs millénaires, avec des cultures en réalité profondément différentes (quel point commun entre un portugais et un finlandais ?…) puissent converger par miracle en une entité unique ? C’est en réalité impossible, et en pratique ce n’est jamais arrivé : il n’existe toujours pas d’identité européenne, et il n’en existera sans doute jamais. 

Alors, que faire ?

Cela ne signifie pas qu’il faille renoncer à une sorte de maison commune européenne. C’est indispensable sur un continent tant de fois ravagé par les guerres, et qui partage une civilisation commune. Mais le concept reste à inventer. Ses futurs concepteurs devront faire preuve de davantage de réalisme, de davantage de lucidité, et de surtout de davantage d’humilité… 

 

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