La Chine alerte sur un possible krach des marchés occidentaux: «Il faut être très vigilant»

© AFP 2023 BRYAN R. SMITHUn trader à Wall Street
Un trader à Wall Street - Sputnik Afrique, 1920, 02.03.2021
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Le patron de la Commission chinoise de réglementation des banques et des assurances a constaté les risques entraînés par la déconnexion entre marchés financiers et économie réelle. Notamment en Europe et aux États-Unis. Cette mise en garde n’étonne pas Jean-Paul Tchang, économiste et spécialiste de la Chine. Il livre son analyse à Sputnik.

Le géant chinois rejoint les rangs des observateurs inquiets face à l’euphorie des marchés financiers, en particulier à l’Ouest. Puissant patron de la Commission chinoise de réglementation des banques et des assurances, Guo Shuqing a exprimé ses préoccupations lors d’une conférence de presse, comme le rapporte CNBC: «Les marchés financiers sont très hauts en Europe, aux États-Unis et dans d’autres pays développés et cela va à l’encontre de l’économie réelle

​Un tacle de Pékin à l’Occident? Pas du tout, pour l’économiste et spécialiste de la Chine Jean-Paul Tchang, qui rappelle le contexte de l’intervention de Guo Shuqing: «Une conférence de presse organisée par le gouvernement alors que l’Assemblée nationale populaire s’apprête à débattre de la politique économique à venir pour le prochain plan quinquennal.»

«Ce n’était en aucun cas une intervention spécifique en vue d’attaquer les politiques monétaires étrangères, mais une présentation du contexte économique à des fins de préparation», relativise notre interlocuteur.

Reste que le constat de Guo Shuquing n’en est pas moins une réalité pour Jean-Paul Tchang. Lui qui suit de très près l’actualité économique chinoise souligne que ce premier, lors de son intervention, a dit comprendre que de nombreuses nations aient mis en place des politiques budgétaires et monétaires extrêmement généreuses afin de faire face à la crise.

«Il constate néanmoins que ces politiques peuvent avoir des effets secondaires dangereux. Et Guo Shuqing lance cet avertissement sur la base de ce que les Chinois ont eux-mêmes expérimenté à la suite de la crise de 2008-2009. Pékin avait alors lancé un grand plan de relance budgétaire et monétaire qui a engendré de nombreuses bulles financières», poursuit le spécialiste. 

D’après ce dernier, Guo Shuqing affirme simplement «que quand l’écart est aussi grand, une correction aura lieu tôt ou tard». Et les politiques monétaires ultra-accommodantes ne feraient que renforcer les effets de levier qui dopent les marchés financiers.

Pékin songe à maîtriser les flux de capitaux

Depuis le krach de mars 2020, les marchés financiers européens et surtout américains enchaînent les records. Ces derniers sont notamment poussés par les politiques monétaires des banques centrales, en particulier la Banque centrale européenne (BCE) et la Réserve fédérale américaine (Fed). Ces deux institutions se sont engagées à injecter des centaines de milliards de devises dans l’économie afin de lutter contre la crise du Covid-19. Le bilan de la BCE dépasse désormais les 7.000 milliards d’euros. Cela représente plus de 70% du PIB de la zone euro…

​Jean-Paul Tchang souligne également l’écart entre les récessions historiques endurées dans de nombreux pays et «les taux de croissance absolument incroyables atteints par les marchés». Pendant que le CAC40 performe, la France vient d’encaisser la pire récession depuis la Seconde guerre mondiale, (-8,3%) alors que la Banque de France prévoit une croissance de 5% en 2021.

 «On suppose que, tôt ou tard, les marchés refléteront l’état de l’économie réelle», prévient Jean-Paul Tchang.

Dans le contexte actuel, cela passerait par un krach.

«Il faut être très vigilant. Et Guo Shuqing ne dit pas autre chose», plaide l’expert.

Longtemps renfermée sur elle-même, la Chine s’ouvre au monde depuis des décennies. Le patron de la Commission chinoise de réglementation des banques et des assurances a rappelé que le marché de son pays était dorénavant lié aux marchés étrangers. Il anticipe que le montant des capitaux arrivant en Chine augmentera considérablement dans le sillage de la reprise économique et de l’attractivité des produits financiers.

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Seule économie majeure de la planète à avoir profité d’une croissance économique en 2020 (+2,3%) malgré le Covid-19, la Chine pourrait voir son PIB progresser de presque 8% en 2021 selon le FMI. Un chiffre bien supérieur aux 5,5% de croissance prévus aux USA par l'économiste en chef du Crédit Suisse.

Ce contexte a poussé Pékin à étudier la manière de contrôler les afflux de capitaux étrangers afin de ne pas causer de turbulences sur le marché chinois, comme l’a souligné Guo Shuqing. Mais la Chine, en plus de lorgner vers l’étranger, doit régler un problème domestique de taille: la bulle sur son marché immobilier.

«Il est très dangereux que beaucoup d’individus achètent des logements non pas pour y vivre, mais dans une logique d’investissement ou de spéculation», a déclaré Guo Shuqing.

Ce dernier a prévenu que, en cas de chute du marché immobilier, la valeur des biens souffrira fortement. D’où une multiplication de prêts impayés susceptibles de provoquer un chaos économique.

«Guo Shuqing explique que l’immobilier reste le potentiel danger numéro un du système financier chinois. Il y a beaucoup d’effets de levier et de crédit. C’est un marché très spéculatif», explique Jean-Paul Tchang.

Selon l’économiste, ce problème est loin d’être inhérent à la Chine. Il rappelle les crises immobilières vécues en Europe et notamment en France dans les années 1990 ou aux États-Unis avec la crise des subprimes.

«Avec la finance moderne et la titrisation, le risque de crédit se propage et en cas de rupture du marché, les dégâts s’abattent comme des dominos. Les conséquences sont grandes, notamment pour les banques qui dépendent beaucoup du marché immobilier», analyse Jean-Paul Tchang.

Le spécialiste note cependant que d’importants efforts ont été consentis pour limiter les risques en Chine:

«Guo Shuqing s’est félicité que, en 2020, le taux de progression des crédits immobiliers a été inférieur à celui de huit autres catégories de crédits, comme les prêts aux entreprises par exemple. Cela montre que le phénomène peut être maîtrisé.»
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