Ex-ambassadeur français en Russie: «L’Ukraine est comme un abcès au cœur de l’Europe» - exclusif

© AP Photo / Inna VarenytsiaA Ukrainian border guard officer speaks on a phone near a national flag attached to the fence on the Ukrainian-Russian border near Hoptivka, Kharkiv region, eastern Ukraine
A Ukrainian border guard officer speaks on a phone near a national flag attached to the fence on the Ukrainian-Russian border near Hoptivka, Kharkiv region, eastern Ukraine - Sputnik Afrique, 1920, 16.04.2021
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Un conflit armé sur la frontière entre la Russie et l’Ukraine est-il inévitable? Claude Blanchemaison, ancien ambassadeur de France en Russie et en Inde, et auteur du livre «Vivre avec Poutine» (Éd. Temporis), décrypte pour Le Désordre mondial les enjeux sous-tendant les nouvelles tensions frontalières entre les deux pays.

Y a-t-il un risque de conflit armé entre l’Otan et la Russie en Ukraine? Les troupes s’amassent actuellement de chaque côté de la frontière russo-ukrainienne et chacun affirme qu’il s’agit simplement d’une réponse à la montée des tensions de la part de l’autre.

Mais pourquoi sur cette ligne de faille et à ce moment précis? Les pays membres de l’Otan prétendent régulièrement que la Russie chercherait à «envahir» militairement l’Ukraine. Mais pourquoi la Russie le voudrait-elle? Ne serait-ce pas plutôt un prétexte de l’Otan pour intégrer l’Ukraine à l’Alliance atlantique? Selon Reuters, en janvier dernier, le Président ukrainien Volodymyr Zelensky avait demandé au Premier ministre canadien Justin Trudeau de l’aider à rejoindre l’Otan. 

Pendant ce temps, la Turquie, également membre de l’Otan, a envoyé des drones survoler la région. Toujours dans la même zone, le chasseur MiG-31 a intercepté près la frontière russe un avion-espion américain RC-135. Moscou ajoute que l’Otan a intensifié ses opérations aériennes, risquant une escalade accidentelle. 

Claude Blanchemaison, ancien ambassadeur de France en Russie et auteur du livre Vivre avec Poutine (Éd. Temporis), décrypte ce qui se joue à la frontière russo-ukrainienne:

«La Russie peut faire ce qu’elle veut sur son propre territoire, le raisonnement est le même pour l’Ukraine. Mais dans la vie internationale, quand un pays fait des manœuvres à la frontière d’un autre, cela crée des tensions. Chacun joue son jeu, on ne va pas à la guerre mais c’est une situation dangereuse, il pourrait y avoir un incident qui déclenche des hostilités. Cependant, personne n’a d’intérêt à faire la guerre dans la situation actuelle, il vaut mieux maintenir ce statu quo.»

Les acteurs seraient-ils en train de se tester? Claude Blanchemaison dresse le tableau des divers enjeux à l’échelle internationale: 

«On ne sait pas trop bien ce que la nouvelle administration américaine souhaite faire avec la Russie. On a bien compris qu’elle considérait que la Russie était un pays hostile et que la nouvelle administration Biden allait lutter à la fois contre la Chine et la Russie en les mettant un peu dans le même bateau, ce qui est surprenant pour nous, Européens. Mais la question est de savoir jusqu’où cela peut aller.»

Alors, l’Ukraine n’est-elle qu’un pion dans cette affaire?

«L’Ukraine est comme un abcès au cœur de l’Europe. On voit que les mauvaises relations entre l’UE et la Russie sont notamment dues à la situation ukrainienne et au fait que l’on n’a pas pu progresser sur les accords de Minsk.»

Ces tensions pourraient-elle servir de prétexte d’intégration de l’Ukraine à l’Otan? L’ancien ambassadeur français à Moscou met cette idée de côté:

«Je ne pense pas que l’Otan puisse intégrer l’Ukraine comme ça, par surprise, pour différentes raisons. D’abord parce que dans le passé, certains États membres –comme la France et l’Allemagne– avaient exprimé leur réserve sur ce sujet. Ensuite parce que sur le principe, l’Otan n’intègre pas de pays divisé.»
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