L'industrie européenne de l'armement se met-elle en danger en restant si dépendante des États-Unis? C'est la question légitime que l'on peut se poser après que les États-Unis ont bloqué la vente de nouveaux Rafale à l'Égypte. En effet, Washington refuse que l'Égypte se dote du missile de croisière SCALP, fourni avec les Rafale, dont un composant est fabriqué aux USA. Selon Adrien Caralp, membre du Centre d'études des modes d'industrialisation CEMI et docteur en économie à l'EHESS, cette dépendance représente effectivement un danger pour l'Europe. Néanmoins, «il faut être conscient que dans le contexte économique et politique actuel, il est très difficile de produire un armement sophistiqué sur une base nationale.»
«Toute la difficulté vient de l'internationalisation des chaînes de valeurs qui caractérisent le domaine de l'armement. Trouver des fournisseurs nationaux s'avère de plus en plus difficile, d'autant plus que l'on maîtrise de moins en moins l'ensemble de la chaîne de valeur qui produit des armements complexes. Il y a donc une difficulté, une dangerosité, liée à cela.»
A la lumière de cette affaire d'exportation d'un missile vers l'Egypte, où la France est dépendante d'un accord américain, pourquoi l'Union européenne ne prend-elle pas de dispositions afin d'être plus indépendante? Adrien Caralp l'explique par la relative faiblesse de la coopération européenne notamment liée à l'absence de menace militaire pesant sur l'Europe.
«Je pense que la difficulté majeure en terme de coopération européenne est que depuis la fin de la Guerre froide, il y a une absence de menace militaire significative aux portes de l'Europe. Ce qui fait qu'il n'y a pas eu de restructuration d'ampleur visant à une plus grande consolidation européenne même si elle existe dans certains secteurs, elle reste quand même largement imparfaite.»
Comme le souligne Adrien Caralp, «il existe un certain nombre d'avancées dans le domaine de l'industrie de l'armement européenne. Ne serait-ce que si l'on prend l'exemple de ce missile SCALP, issu d'un programme franco-britannique, on avait déjà un élément de coopération et de mutualisation de capacité financière et industrielle.» Cependant, les intérêts des États priment sur cette coopération européenne.«On a une tradition d'États producteurs qui ont des capacités particulièrement importantes et développées. Je pense notamment aux industries françaises et britanniques mais il est très difficile de mettre en place une coopération européenne poussée parce que chaque État poursuit des intérêts qui sont divergents.»
Et si demain, l'Europe souhaitait se passer des composants américains, vers quels pays pourrait-elle se tourner? Pour le chercheur, bien qu'il existe «plusieurs niveaux hiérarchiques en termes d'alliance potentielle», le «renforcement au sein même de l'UE» reste l'option la plus probable.
«Fondamentalement, je pense que ce serait plus au sein même de l'UE, entre Etats européens par une plus grande coopération aussi bien au niveau de la conception de gros système donc l'aspect intégration de système. Mais également au niveau des chaînes de valeurs, par l'insertion de petites et moyennes entreprises de différents Etats membres, chacune apportant finalement une spécificité, une plus-value, au sein d'un grand programme.»
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