On l'a failli croire gelé tant il était peu médiatisé. Entre-temps, l'ambitieux projet logistique censé relier la ville russe de Saint-Pétersbourg au port indien de Mumbai — en dehors de la route traditionnelle à travers le canal de Suez — est bien vivant. Pour preuve, la rencontre prévue le 23 novembre entre les pays parrains de l'initiative, la Russie, l'Iran et l'Inde. Cette entrevue sera consacrée à la future mise en service du corridor de commerce et de transport Nord-Sud (INSTC), a annoncé le ministère indien du commerce à la fin du mois d'octobre.
Une fois opérationnel, ce corridor composé d'itinéraires maritimes et ferroviaires long de 7.200 mètres permettra d'acheminer des marchandises à frais réduits en une vingtaine de jours au lieu d'une quarantaine, en passant par l'Iran et la mer Caspienne. Or, dans la région sous haute tension qu'est le Proche-Orient, les enjeux de ce projet vont bien au-delà de la logistique.
L'Iran au cœur du projet
«Ce corridor est en mesure de renforcer l'influence géopolitique et le statut de l'Iran, qui en cas de mise en service complète, pourrait devenir un élément important de transit reliant un vaste groupe de pays», explique à Sputnik Oleg Larine, expert à l'Institut russe des études stratégiques et professeur à l'Université russe des Transports.
Il précise que cet axe devrait permettre de relier l'Europe centrale, orientale et du nord-est, l'Asie centrale et occidentale ainsi que la Russie aux pays de l'Asie du sud et de l'Afrique de l'est.
«N'importe quelle sanction est en mesure de produire des effets négatifs sur la réalisation des projets économiques internationaux», observe M.Larine. «Or, à ce jour, les États-Unis ont perdu leurs leviers d'action directe sur le potentiel économique et d'investissement de l'Iran, tandis que les effets indirects des sanctions ne seront pas suffisants pour empêcher sa réalisation», poursuit-il. Et d'ajouter: «Ces mesures pourraient d'ailleurs être nivelées par le soutien accordé à l'Iran par ses partenaires, dont l'Organisation de coopération de Shanghai».
Le projet sera-t-il mené à bien?
Les sanctions contre l'Iran ont déjà par le passé perturbé le projet du corridor. Scellé en 2000 par la Russie, l'Iran et l'Inde, il a été ratifié deux ans plus tard. En 2005, l'Azerbaïdjan a rejoint l'initiative. Or, le projet s'est ensuite heurté aux sanctions américaines imposées à l'encontre de l'Iran et avait piétiné jusqu'à leur levée en 2016. Sera-t-il mené à bien cette fois-ci? Les perspectives sont bonnes, mais il reste encore du travail à faire, estime Bahram Amirahmadiyan, expert iranien en géographie politique et enseignant au département des études internationales à l'Université de Téhéran.
«Les États devraient mettre en place les conditions nécessaires aux investisseurs et aux commerçants pour assurer l'acheminement rapide et sécurisé de leur fret», estime Bahram Amirahmadiyan, tout en rappelant que le projet retrouvera son actualité à la lumière des sanctions à l'encontre de l'Iran.
Qui seront les gagnants et les perdants
Quant au canal de Suez, auquel le corridor Nord-Sud pourrait constituer une alternative, son sort semble tout aussi optimiste. «Il n'existe pas de voies terrestres susceptibles de remplacer l'itinéraire via le canal de Suez, car il permet de transporter un immense volume de fret», note de son côté Bahram Amirahmadiyan. Ainsi, le projet sera plutôt le soutien de l'artère vitale de l'Égypte que son concurrent.