Au Chili, «des minières canadiennes utilisent toute l’eau dont les agriculteurs ont besoin»

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Les sociétés minières canadiennes ont mauvaise réputation en Amérique latine. Récemment, des Autochtones ont manifesté devant l’ambassade canadienne au Chili contre l’expansion des minières Teck et Barrick. Pour Catalina Cortés, conseillère municipale de la commune de Pica, ces sociétés piétinent les droits de son peuple. Entrevue.

Les compagnies minières canadiennes, des entreprises-voyous en Amérique latine? Elles le sont du moins aux yeux de nombreux groupes autochtones qui s’opposent désormais régulièrement à leurs projets d’extraction sur ce continent.

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Le 6 janvier dernier, une délégation d’Autochtones a manifesté devant l’ambassade du Canada à Santiago, capitale du pays. L’objectif: dénoncer les derniers projets miniers des sociétés canadiennes Teck et Barrick, basées respectivement à Vancouver et Toronto. Teck agrandit sa mine de cuivre près de la rivière Quebrada Blanca, dans le nord, et la société Barrick poursuit l’expansion de sa mine d’or et d’argent de Pascua-Lama, au sud-est de la petite ville de Vallenar.

​En entrevue avec Sputnik, l’un des porte-parole présents sur le terrain, Catalina Cortés, dénonce cette situation. Mme Cortés est conseillère municipale de la commune de Pica, un territoire aymara situé dans la province de Choapa. C’est sur le territoire de sa communauté d’environ 6.500 personnes qu’opère notamment la société Teck.

«Nous avons entrepris un voyage jusqu’à la capitale pour défendre les droits des peuples autochtones et surtout ceux de la communauté à laquelle nous appartenons. Nous avons manifesté contre les deux minières canadiennes, car nous estimons que les normes environnementales de l’État chilien auxquelles elles sont soumises sont insuffisantes. Les Autochtones n’ont jamais été considérés», s’indigne Catalina Cortés à notre micro.

Mme Cortés estime que les projets d’expansion de ces sociétés minières vont à l’encontre de la convention 169 de l’Organisation internationale du travail relative aux peuples indigènes et tribaux. Adoptée par 22 États –en grande majorité latino-américains– la convention défend le principe d’autodétermination des Premières Nations et est considérée comme l’ancêtre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, laquelle a été adoptée par l’Assemblée générale de l’Onu en 2007.

«Les entreprises minières canadiennes ont carte blanche au Chili. [...] Les minières Teck et Barrick ne respectent pas la convention 169 de l’Organisation internationale du travail. Ce que nous voulons, c’est d’abord que les minières canadiennes respectent les mêmes standards que dans leur pays d’origine. Les critères sont beaucoup plus bas au Chili», précise la militante.

En août 2019, la Surintendance de l’environnement –un organisme dépendant du ministère de l’Environnement chilien– a imposé une amende de 1,2 million de dollars américains à Teck pour ne pas avoir respecté certaines règles en exploitant sa mine de cuivre située près de la rivière Quebrada Blanca. Selon l’agence Reuters, «plusieurs manquements aux engagements stipulés dans son permis environnemental» ont été relevés par les autorités compétentes.

«Les entreprises minières ont le droit d’utiliser un très haut pourcentage des ressources en eau disponibles. Ces entreprises pompent l’eau de nos territoires ancestraux. Notre communauté est surtout composée d’agriculteurs. Les minières canadiennes utilisent toute l’eau dont les agriculteurs ont besoin. Parfois, il ne reste pas assez d’eau pour nourrir le bétail. Les minières sont en train d’assécher les nappes phréatiques», déplore Mme Cortés.

La conseillère municipale considère aussi que les gouvernements canadiens et chiliens font la promotion des droits autochtones de manière hypocrite et superficielle. La présence de Justin Trudeau au pouvoir au Canada –un Premier ministre qui s’est souvent dit favorable aux Premières Nations– ne changera rien à la situation, selon elle.

«Les États occidentaux n’ont jamais vraiment respecté les droits des Autochtones dans l’histoire. Le discours sur les droits autochtones demeure très théorique. Aucun État n’est encore concrètement passé à l’action. [...] Nous allons faire alliance avec les peuples amérindiens du Canada et d’autres pays pour créer une grande communauté capable de faire pression sur les entreprises et les gouvernements», affirme-t-elle.

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Les sociétés minières canadiennes sont loin de susciter seulement la désapprobation des communautés autochtones au Chili. Elles ont souvent fait l’objet de vives controverses ces dernières années au Mexique, où elles exploitent 60% des mines d’or en activité.

Le gouvernement canadien a mis en place différentes stratégies pour protéger les intérêts de ces entreprises. Selon Pierre Beaucage, professeur émérite d’anthropologie à l’Université de Montréal, l’ambassade canadienne à Mexico est même devenue un «lobby minier» avec l’arrivée au pouvoir de Stephen Harper en 2006.

«C’est le grand changement apporté par l’ancien Premier ministre Stephen Harper. Avant lui, les compagnies devaient s’arranger avec les gouvernements locaux. Avec Harper, les ambassades canadiennes, partout en Amérique latine et au Mexique en particulier, ont commencé à recevoir des ordres. On a dit aux ambassades qu’elles étaient maintenant aux services des intérêts canadiens», soulignait M. Beaucage en entrevue avec Sputnik en mars 2019.
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