Le sous-comité des Nations unies pour la prévention de la torture a repris du service dans l'Est ukrainien, jusqu'au 9 septembre. En attendant, l'organisation ne « communique pas sur les enquêtes en cours ». Les conclusions de la précédente mission, avortée, avaient de quoi alarmer: elles révèlent que le recours à la torture et aux mauvais traitements sur les prisonniers est endémique, tant de la part des services de sécurité ukrainiens que des rebelles du Donbass. L'interruption de la mission aura-t-elle laissé aux belligérants l'occasion de se rattraper? Sputnik est entré en contact avec des détenus et d'anciens détenus, dont les témoignages viennent étayer les recherches de l'Onu.
Les aveux comme irréfutables preuves
Dans son rapport du 16 mars, le sous-comité pour la prévention de la torture s'inquiète des « régulières allégations » concernant des actes de torture et de mauvais traitements, particulièrement pendant le premier interrogatoire.
Dans l'attente d'un procès, ou pas
Une fois celui-ci passé, si le prévenu y arrive, les coups cessent: « la police ne fait pas ce genre de choses ». Mais dans les centres de détention provisoire (SIZO) où ils sont ensuite placés, les conditions de détention sont à ce point « préoccupantes » qu'elles peuvent être assimilées à une « forme de torture », avertit l'Onu dans ce même rapport. Alexandre Soukhanov, ancien détenu d'Odessa, se souvient du manque d'aide médicale et de nourriture; il raconte: "quatre personnes dans une cellule de 8 m², un bain une fois par semaine et là encore l'eau y est tiède, c'est le moins qu'on puisse dire. Sur ces 8 m², un mètre carré est occupé par les toilettes, c'est-à-dire qu'elles se trouvent dans la cellule et ne sont pas séparées du reste de celle-ci." C'est par ces mots qu'il résume son voyage dans le temps et la crasse: les SIZO sont des "vestiges de l'Union soviétique".
Un pays où les arrestations sont cachées, mais réelles
Mainmise sur l'entourage, une pratique courante
Les prisonniers ne sont pas les seuls menacés. Anna a dû faire face à l'humiliation et la vindicte populaire, suite à l'arrestation médiatisée de son mari Denis Shatunov. Son arrestation, mais aussi la fouille de leur appartement ont été filmées et la vidéo, postée sur le site de la Direction générale du ministère de l'Intérieur de la région d'Odessa, a été reprise par les médias locaux: « J'ai parlé avec une représentante de l'OSCE à Odessa et elle m'a dit qu'une telle vidéo constituait une violation du droit de l'homme à la vie privée, aux données personnelles. J'ai fait une demande à ce sujet mais personne ne m'a rappelé […]. C'est une goutte d'eau dans la mer vu ce qui se passe aujourd'hui». La "femme du séparatiste" devient la cible de menaces téléphoniques et de cocktails Molotov. Elle finit par quitter le pays avec sa fille, tandis que Denis purge encore sa peine.
"Les médias ukrainiens formatent l'opinion publique"
Dimanche 4 septembre 2016, les locaux de la chaîne Inter TV à Kiev ont été partiellement brulés. Une vingtaine de nationalistes ukrainiens en tenue de camouflage ont provoqué un incendie, accusant cette chaîne de télévision de vues prorusses. "La violence n'est jamais une réponse acceptable quand on désapprouve une politique éditoriale, même si elle est vue comme provocante", a déclaré Dunja Mijatovic, représentante de l'OSCE pour la liberté de la presse. Les médias officiels "incitent à la haine éthnique" estime de son côté le politicien Vasyl Volga, chef du parti de l'Union des forces de gauche. Quand les médias annoncent que le SBU a libéré une douzaine de prisonniers par exemple, c'est la méfiance qui règne. Ceux qui sortent des prisons secrètes des services de sécurité ukrainiens sont forcément coupables, observe Vasyl Volga: "En Ukraine, l'opinion publique a été façonnée de manière à ce qu'on se dise que ceux qui ont une opinion différente sur ce qui se passe quelque part (que ce soit à l'est, à l'ouest, ou au sud du pays), ou une autre opinion différente de celle du pouvoir officiel, n'ont pas droit à un procès équitable ou à la défense".
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