À la guerre comme à la guerre: la Chine liquide ses obligations américaines

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La Chine a réduit de 7,7 milliards de dollars ses investissements dans la dette publique américaine, mais reste le plus grand pays détenteur d'obligations du gouvernement américain. Les experts y voient les conséquences de la guerre commerciale déclenchée par Washington contre Pékin.

Pendant ce temps, les deux pays viennent d'adopter une nouvelle série de taxes réciproques.

Selon le ministère américain des Finances, la Chine a réduit ses investissements dans la dette publique américaine de 7,7 milliards de dollars en juillet, écrit le quotidien Gazeta.ru.

Pékin reste tout de même en tête du classement: au total, les autorités chinoises ont investi 1.171 milliards de dollars dans les obligations américaines.

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Ces dernières sont considérées comme les titres de valeur les plus fiables sur le marché financier mondial, mais pas les plus rentables. Leur vente permet au gouvernement américain d'augmenter les dépenses publiques malgré un grand déficit budgétaire.

La politique étrangère agressive du président américain Donald Trump, couplée aux déclarations ambitieuses sur sa propre intouchabilité, ont poussé ceux qui détenaient une part de la dette des USA à commencer à s'en débarrasser cette année. «Le dirigeant américain a déclaré que tant que le monde entier dépendrait des USA, il mènerait la politique étrangère qu'il voudrait», constate Maria Salnikova, analyste d'Expert plus.

«Ce n'est pas tant une attaque agressive de Pékin qu'une tentative de protéger son économie pour le futur», indique l'experte.

Cette démarche de Pékin pourrait résulter de la guerre des taxes déclenchée par Washington. La confrontation entre les deux pays perdure depuis le printemps dans le cadre de la politique de Donald Trump selon le credo «l'Amérique avant tout». Ainsi, le président américain a décidé de combattre tous les pays dans les relations commerciales avec lesquels, selon lui, il existe un penchant en défaveur de Washington. Le Canada, l'UE, les pays d'Asie du Sud-Est et la Russie ont déjà fait les frais de ce protectionnisme, mais c'est la Chine qui a été la plus touchée.

Le chef de l'État américain motive ces décisions par les pratiques commerciales de Pékin, qu'il juge déloyales. Selon Washington, la Chine force les compagnies américaines à transmettre leurs technologies à leurs partenaires chinois, ce qui constitue un «risque pour la santé à long terme et la prospérité des États-Unis».

«En tant que président je dois défendre les intérêts des hommes et des femmes qui travaillent, des fermiers, des propriétaires de ranch, des entreprises et de notre pays. Mon administration ne restera pas les bras ballants quand ces intérêts seront menacés», a déclaré le locataire de la Maison blanche.

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Ce dernier a répété à de multiples reprises qu'il n'appréciait pas le déficit commercial des USA avec la Chine. Ce 15 juin, en raison d'un prétendu vol de la propriété intellectuelle et de technologies américaines par la Chine, les USA ont fait part de leur intention de décréter des taxes de 25% sur 50 milliards de dollars de produits importés de ce pays. Ces droits de douane ont été adoptés en deux tranches de 34 et 16 milliards de dollars, qui sont entrées en vigueur les 6 juillet et 23 août respectivement. La Chine a réagi de manière symétrique. Plus tôt, au printemps, les USA avaient imposé des restrictions sur les importations chinoises d'acier et d'aluminium, après quoi la Chine avait dressé une liste de produits américains soumis à des taxes d'importation supplémentaires.

Ensuite, Donald Trump a annoncé de nouvelles sanctions sur 200 milliards de dollars de produits chinois, puis sur une somme encore plus grande.

Hier, le président américain a annoncé l'adoption de nouvelles sanctions sur 200 milliards de dollars de produits chinois pour le 24 septembre. Il s'agira d'abord d'une taxe de 10% puis, à partir du 1er janvier 2019, ces dernières augmenteront jusqu'à 25%.

«Si la Chine prenait des contremesures visant nos fermiers et d'autres secteurs industriels, nous entamerions immédiatement la troisième étape, qui prévoit des taxes supplémentaires sur les importations à hauteur de 267 milliards de dollars», a déclaré Donald Trump.

En 2017, la Chine a livré aux États-Unis un total de 505,6 milliards de dollars de marchandises. Ainsi, compte tenu de la troisième tranche de taxes chinoises, Washington pourrait décréter des droits de douane sur toutes les importations en provenance de son rival.

La Chine a promis des contremesures et a même préparé une liste de produits américains susceptibles d'être touchés par les restrictions.

Pékin et Washington tentent de régler la situation par les négociations, mais pour l'instant toutes ces tentatives se soldent par de nouvelles restrictions.

Il est évident que chaque camp essaie de renforcer sa position comme il peut: comment, sinon, expliquer le fait que de nouvelles taxes ont été annoncées par Donald Trump ce 18 septembre, à la veille d'un nouveau cycle de consultations commerciales avec Pékin?

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Dans ces circonstances, la diminution des investissements chinois dans la dette américaine pourrait également être perçue comme un argument dans le dialogue à venir.

«Le montant total des investissements des non-résidents dans les obligations du Trésor américain s'élève à plus de 6.000 milliards de dollars, c'est pourquoi la vente de 7,7 milliards de dollars d'actifs par la Chine est plutôt une démarche symbolique invitant les USA aux négociations sur la question épineuse de la guerre commerciale, sur les taxes contre les produits chinois», affirme Alexeï Antonov, analyste d'Alor Broker.

Ce montant n'influencera ni la rentabilité des obligations américaines ni le cours du dollar, sauf si d'autres pays décident de se joindre à la Chine.

Par exemple, en avril dernier, la Russie a divisé par deux ses investissements dans la dette américaine pour les porter à 48,7 milliards de dollars. En juillet, ce chiffre n'était plus que de 14,9 milliards de dollars. A l'heure actuelle, la Russie ne fait même pas partie du top-30 des investisseurs dans les obligations américaines.

Cependant, de facto, aucun pays ne pourra y renoncer complètement.

Les obligations sur 10 ans peuvent rapporter près de 2,8-2,9% de rendement annuel en dollars aujourd'hui, ce qui est inespéré pour de nombreux pays, souligne Alexeï Antonov.

«Il existe un certain populisme dans l'abandon de ces obligations, parce qu'elles n'ont pratiquement aucune alternative. Un monde unipolaire a été créé grâce à l'hégémonie des USA, mais c'est un fait: il faut vivre avec et gérer l'économie», constate l'expert.

Actuellement, au classement des plus grands investisseurs dans les obligations américaines, la Chine est suivie par le Japon avec 1.036 milliards de dollars et l'Irlande avec 300 milliards de dollars. Au total, en juillet 2018, 6.251 milliards de dollars d'obligations américaines étaient détenus par les pays et les investisseurs, contre 6.211 milliards de dollars en juin de la même année.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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