Croisement homme-singe: sur quoi ces expériences pourraient-elles déboucher?

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Deux groupes de recherche internationaux, sans lésiner sur les moyens, sont en compétition pour savoir qui créera le premier être viable à partir de cellules de différents animaux.

En trois ans, les scientifiques ont introduit des cellules de souris dans des rats, et sont parvenus à créer un embryon vivant de porc avec des cellules humaines. Prochain sur la liste? Une chimère homme-singe.

La course génétique

En janvier 2017, à 24 heures d'écart, les deux revues scientifiques les plus prestigieuses, Nature et Cell, ont publié des articles relayés ensuite par pratiquement tous les médias mondiaux. Les auteurs du premier étaient des biologistes des universités de Tokyo et de Stanford (Japon et États-Unis), et ceux du second des chercheurs de l'Institut Salk pour les études biologiques (États-Unis) et de l'Université catholique de Murcia (Espagne). Les deux publications traitaient des embryons chimères, entités dont les cellules contiennent l'ADN de plusieurs organismes, le plus souvent de deux, mais parfois de trois, voire de quatre.

Les chimères ne sont pas des hybrides qui naissent suite au croisement de différentes espèces. Elles apparaissent généralement de manière artificielle, quand des chercheurs introduisent à un moment précis dans l'embryon des cellules souches d'un animal non apparenté. Pour cela, une partie des cellules embryonnaires censées former tel ou tel organe est sélectivement détruite à l'aide du rédacteur génétique CRISPR/Cas9. Des cellules souches d'une autre espèce sont ensuite introduites dans le milieu nutritionnel de l'embryon. Et elles se transforment en organe dont l'ébauche a été détruite.

Un chercheur (image d'illustration) - Sputnik Afrique
Embryons hybrides animal-humain: «Personne ne peut prévoir le résultat définitif de ces expériences»

Des Japonais ont ainsi su élever des rats avec un pancréas de souris, alors que des Américains et des Espagnols, après s'être entraînés sur des rongeurs, ont créé des embryons viables de porcs avec des muscles humains. Et si le «semi-homme-semi-porc» a été détruit au 28e jour de son développement pour des raisons éthiques, les chercheurs ont permis aux rats d'atteindre l'âge de la maturité. Puis les rongeurs ont été euthanasiés, et leurs pancréas ont été greffés à des souris souffrant de diabète. Les organes n'ont pas été rejetés et les souris ont guéri.

«Dans toutes ces expériences, il est avant tout question du potentiel de culture d'organes humains dans les animaux. Pour l'instant, ce secteur de médecine générative - la culture d'organes humains précis hors du corps - stagne. Les scientifiques veulent s'assurer expérimentalement que ce domaine a de l'avenir. Les expériences sur les animaux et les cellules embryonnaires humaines sont une étape intermédiaire pour confirmer ou réfuter la possibilité en principe de créer un organe fonctionnel dans un environnement étranger», a expliqué Oleg Goussev, chercheur à l'Institut de recherche physique et chimique RIKEN (Japon) et responsable du laboratoire de biologie de l'extrême de l'Université fédérale de Kazan.

Partiellement humain

Cet été, la compétition entre les équipes américano-japonaise et américano-espagnole est passée au niveau supérieur. En juin, les biologistes dirigés par Hiromitsu Nakauchi, professeur à l'Institut de sciences médicales de l'Université de Tokyo ont publié en accès ouvert la version préliminaire de l'article scientifique décrivant leurs expériences sur les cellules de primates.

Les chercheurs ont introduit avec succès les cellules souches de chimpanzé dans les embryons de macaques rhésus âgés de cinq jours, mais se sont contentés de croiser les celles de l'homme et du singe seulement dans une boîte de Petri. Ce mélange a d'ailleurs formé un tissu cardiaque fonctionnel, mais l'expérience avec les cellules humaines dans un embryon de chimpanzé n'a pas été poursuivie pour des raisons éthiques.

Un mois plus tard, le professeur Hiromitsu Nakauchi a reçu l'autorisation du gouvernement pour transplanter un embryon animal contenant des cellules humaines dans l'utérus d'une mère-porteuse de rongeur.

Embryon de lapin - Sputnik Afrique
Certains animaux peuvent choisir leur sexe

Les biologistes ont l'intention d'introduire des cellules humaines dans un embryon de souris, puis de le transplanter à une femelle adulte et lui permettre d'évoluer après fécondation pendant 14,5 jours. De plus, les chercheurs veulent mener des expériences similaires sur des rats (les embryons passeront 15,5 jours dans l'utérus) et des porcs. Les chercheurs promettent que si le cerveau de l'embryon contenait plus de 30% de cellules humaines, l'expérience serait interrompue. C'est pourquoi il ne faut pas craindre l'apparition de semi-hommes-semi-souris ou semi-porcs.

Contourner l'interdiction

De leur côté, les spécialistes de l'Institut Salk et de l'Université catholique de Murcia n'émettent pas de telles réserves. Selon le quotidien espagnol El Pais, ils ont déjà cultivé le premier embryon de singe avec des cellules humaines. Pour cela les biologistes ont dû faire appel à leurs collègues de Chine, pays ayant la législation la plus souple envers les expériences avec les cellules et les embryons humains. D'après le journal, une chimère homme-singe a ainsi été créée dans un laboratoire scientifique chinois.

La chercheuse Estrella Nunes, qui a participé à l'expérience, a déclaré aux journalistes que les embryons de singe avec des cellules humaines se développaient normalement, mais avaient ensuite été détruits pour des raisons éthiques. Sans préciser le jour de l'interruption.

«Le but final consiste à créer un organe humain convenant pour une greffe, mais la voie jusqu'à cet objectif est tout aussi intéressante pour les scientifiques», a-t-elle déclaré.

Selon Oleg Goussev, il n'existe pas de difficultés éthiques particulières dans de telles expériences.

«Cela fait longtemps qu'il existe des modèles expérimentaux entiers en oncologie, quand une tumeur humaine est cultivée chez les souris afin d'étudier l'effet du microenvironnement. De tels modèles s'appellent xénogreffes. Selon moi, ce sont des choses très proches. Les Japonais essaieront, en utilisant une mère porteuse animale, de cultiver quelque chose de proche des organes à partir des cellules d'embryons humains. Autrement dit, ils prendront des cellules dont le programme est déjà déterminé (formation d'un organe interne - ndlr) pour voir ce qui leur arrivera à l'intérieur de l'animal. Bien évidemment, personne n'a l'intention de créer des hybrides de souris-homme ou de singe-homme. Il est plutôt question de la culture d'organes, voire de tester les perspectives d'une telle idée. En ce qui concerne les élaborations russes en la matière, plusieurs collègues travaillent avec des xénogreffes (y compris l'Université fédérale de Kazan), mais pour des recherches oncologiques. Il semble qu'il n'existe pas de tels projets en termes de biologie du développement de base», explique le chercheur.

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