L'abattoir à Toulouse et l’avenir du pays

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Les affaires à retentissement de Montauban et de Toulouse semblent avoir secoué le cocotier de cette France autiste qui faisait mine d’ignorer les changements dont pourtant quelques organismes comme, par exemple, l’énigmatique Institut pour la Justice nous rapportaient les faits. Ici un maire d’une commune du Nord giflé par un voyou du quartier, ailleurs les ressortissants d’un pays maghrébin qui demandent le port des burkas et ne se reconnaissent pas en valeurs républicaines. Les signes précurseurs de l’intolérance ambiante étaient nombreux mais l’Hexagone s’est livré à un petit exercice du genre « autruche ».

Si je ne vois pas le danger, donc il n’existe pas.

La France se révolte, les candidats à la présidentielle se prononcent mais le fond reste immuable. La perplexité s’installe. Saura-t-on durcir le ton à l’égard des nouveaux venus qui sèmeraient la pagaille en faisant la guerre sainte aux kefirs européens ? Ou faut-il châtier les nationalistes locaux qui en ont leur claque des brochettes au kebab et des traditions venues d’ailleurs? Quand bien même on prouverait l’existence d’un réseau terroriste néo-nazi ou peut être musulman intégriste, compte tenu du brassage des sangs et du métissage qui s’est déjà opéré tout en douceur en France, aucune réaction agressive des autorités n’est désormais possible. C’est pour cela qu’on privilégierait une autre thèse – celle d’un psychopathe isolé, un dangereux fou à lier écumant la partie méridionale de la France. Un forcené est un phénomène qui n’a ni nationalité ni explication. C’est un cas qui relève de la médecine psychiatrique. Cela n’a rien à voir avec un mouvement social.

Pour en avoir le cœur net, nous avons tenu à trouver quelqu’un qui soit proche du Ministère de l’Intérieur ou de la PJ, c'est-à-dire Police Judiciaire. Notre expert s’appelle Jean-Louis Bruguière. C’est un juge, un homme de bon sens, un professionnel de la section anti-terroriste parisienne où il a travaillé.

La Voix de la Russie. Monsieur le Juge, Monsieur Bruguière, Votre Honneur, un meurtre abominable a été commis hier à Toulouse. Les enfants abattus de sang froid par un individu qui a pris la fuite…  La police judiciaire a tout de suite fait le rapprochement avec l’assassinat des trois militaires d’origine maghrébine – même type d’arme,  mêmes  munitions. Toutes les pistes sont maintenant étudiées par les professionnels.  Croyez-vous que ce meurtre aurait pu être commis à n’importe quelle époque ou pays – en France ou en Russie, par exemple, parce qu’on ne peut se mettre à l’abri d’un psychopathe. Ou tout de même ces actes gratuits sont corollaires au laxisme, au laisser-faire qui s’installe en France qui serait par trop tolérante ? Qu’en pensez-vous au juste ?

Jean-Louis Bruguière. Ecoutez, je crois que le problème de la tolérance, du laisser-faire est une interprétation qui est un peu abusive. A ce stade nous ne savons rien. Il faut faire preuve de beaucoup de prudence. Nous ne savons pas, je veux dire, si le personnage est solitaire. Nous pensons qu’il l’est. Rien n’indique qu’il put agir avec des complices. Comme vous l’avez dit il y a de rapprochements balistiques et matériels qui lient les affaires les unes aux autres par l’arme et par le moyen de transport – bicyclette, scooter… Ce qui fait que, on est en droit de penser à ce stade  qu’il s’agit d’un personnage unique. Maintenant, quant à la motivation, c’est extrêmement compliqué puisque on se trouve devant un psychopathe avec des pulsions paranoïdes ou alors un individu qui a des motivations politiques. Ce qui est incontestable, ce qu’il a agi avec beaucoup de détermination professionnelle et avec un sang froid exceptionnel et terrifiant. Concernant la dernière affaire, l’assassinat de plusieurs enfants dans cette école de confession juive.

Monsieur Bruguière, puisque nous y sommes, croyez-vous que l’hystérie nationaliste serait une maladie contagieuse et que la triste affaire Breyvik aurait pu frapper l’esprit des certains jeunes gens vulnérables devenus partisans de la doctrine néo-nazie ?

Jean-Louis Bruguière. Je crois que c’est très prématuré. Pour l’affaire norvégienne, on le sait aujourd’hui puisque le personnage a été interpellé et tout a été fait. A ce stade chez nous, malheureusement, nous n’avons que des victimes et l’homme n’est pas interpellé. L’enquête n’est pas suffisamment avancée pour qu’on puisse, donc, avoir une idée précise du profil de l’individu, une motivation politique… Du reste, j’observe que c’est la section dite terroriste parisienne à laquelle j’appartenais, qui a été saisie de l’affaire, celle du Parquet. Et l’ensemble de moyens, dont policiers, sont mis en route et avec la cellule terroriste. Donc, la piste terroriste n’est pas exclue. Ce qui ne veut pas dire, je dis on ne peut pas l’impliquer pour autant à une organisation du type particulier. Je dis, pour nous le terrorisme est quelque chose de très large. Ca se détermine en fonction des victimes et du but qui paraît être poursuivi. Ce n’est pas une affaire criminelle de droit commun. C’est évident.

La Voix de la Russie. Nous sommes à la veille des élections. François Hollande ne parle que de tolérance et respect d’autrui. Nicolas Sarkozy préfère tout de même appliquer le châtiment. Le durcissement des lois coercitives permettrait-il d’éradiquer le mal ou ce serait des cautères sur une jambe de bois ?

Jean-Louis Bruguière. On a en France des dispositifs de lutte contre le terrorisme et contre la grande criminalité qui est un dispositif très efficace et très respectueux des libertés individuelles qui s’inscrivent très précisément dans notre tradition démocratique et dans l’ensemble de lois régissant le code pénal. Je pense qu’il serait hasardeux et dangereux de baisser la garde ou de modifier cet arsenal, ou en tout cas de considérer que le problème de sécurité devienne secondaire. Je n’ai pas le sentiment malgré tout, même si la gauche n’a pas une tradition extrêmement forte dans ce domaine, qu’il y ait une volonté aujourd’hui de modifier en profondeur ce dispositif encore qu’il faille attendre. Je ne veux pas prendre parti dans ce débat. Mais je dis tout bonnement qu’aujourd’hui et je me porte témoin à titre personnel qu’on a prévenu et qu’on a été en capacité d’anticiper des attentats. Depuis 1996, on n’a pas eu d’attentats en France et c’est grâce à ce système puisqu’on a pu déjouer au moins une tentative d’attentat par an depuis cette date ce qui n’a pas été le cas à l’extérieur. C’est très imprudent, inconscient et irresponsable d’envisager une modification de ce dispositif de lutte contre le terrorisme et la grande criminalité.

Tôt ou tard on arrêtera cet individu. En attendant l’homme à la bicyclette nous envoie à tous un message. Que ce soit un Français ou un immigré, un militaire ou simple citoyen, paranoïaque ou normal, il sert de facteur adjuvant pour que la société reprenne conscience du danger et défende ses valeurs républicaines. Les cas comme celui-ci ne doivent pas être tolérés parce qu’ils portent atteinte non pas à la sécurité publique mais aux fondements même de notre société qui doit apprendre à se servir de sa dextre au nom de la légitime défense.

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