Ces Français… derniers défenseurs du bunker d’Hitler

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Alors qu’on fête en France l’anniversaire de la victoire de 1945 sur l’Allemagne nazie, l’événement fait toujours et avec raison la part belle à ces héros français qui combattirent de toutes leurs forces la tyrannie et l’occupation nazie. Mais cette histoire de héros ne serait pas complète sans une part d’ombre, les antihéros, des hommes qui choisirent l’autre camp, qui choisirent la collaboration et l’Allemagne d’Hitler plutôt que la France Libre de De Gaulle. Ils furent parmi les derniers défenseurs d’Hitler dans son bunker de Berlin. Retour sur une page moins glorieuse et sombre de la France.

La 33ème division de grenadiers SS dite Charlemagne restera à jamais une tâche sur le drapeau français. Ils furent plus de 7 000 à porter l’uniforme de l’armée internationale SS créée par Himmler, la Waffen SS. Fondée en 1943, l’unité était elle-même une émanation d’une autre unité française de la Waffen, la Sturmbrigade SS Frankreich (Brigade d’assaut SS France). Une autre unité française, toujours sous uniforme allemand mais de la Wehrmacht, la LVF (Légion des Volontaires français contre le Bolchevisme) avait été recrutée dès 1941 dans les milieux collaborationnistes français et envoyée se faire massacrer en URSS. C’est elle qui avait ouvert le bal des unités françaises servant l’Allemagne nationale-socialiste.

Composée de tous les Français qui étaient entrés dans les rangs allemands, que ce soit des rescapés justement de la LVF ou de la Frankreich, elle fut renforcée à sa création par des volontaires de la Kriegsmarine et de nombreux anciens miliciens après la libération de la France entre juin et décembre 1944. Comme les autres unités françaises, elle fut envoyée sur le front de l’Est où elle s'engagea à la fin du mois de février 1945. Cette drôle d’unité française sera des derniers combats de l’apocalypse de ce Reich qui aurait dû durer mille ans. Ironie cruelle et totalement dérisoire que ces quelques milliers d’hommes jetés dans une bataille perdue d’avance pour une cause qui sera condamnée au tribunal de Nuremberg par l’Humanité toute entière.

Pour l’heure, ils combattirent en Poméranie et se firent hacher sur place sans grands résultats mais s’accrochèrent au terrain. Ils finirent par être encerclés par les troupes soviétiques mais un bataillon ou ce qu’il en restait, un peu plus de 300 hommes, soit un effectif d’environ une compagnie et demi, réussit à se frayer un chemin et à s’échapper du piège. Désormais baptisé « bataillon Charlemagne » il se trouva sous les ordres d’Henri Fenet de sinistre mémoire. L’homme originaire de l’Ain et du village de Ceyzériat (1919-2002) était passé par Saint-Cyr et avait reçu une Croix de guerre durant la campagne désastreuse de 1940. Très engagé dans la collaboration, il avait rejoint la milice dès l’automne 1942 et fut désigné pour devenir l’un des chefs de la future division Charlemagne.

Avec lui, les survivants de la Charlemagne firent retraite sur Berlin où ils eurent le triste privilège d’être les derniers défenseurs du bunker du Führer. Intégré dans les restes de la division Nordland, une unité normalement constituée des volontaires de la Waffen des pays scandinaves, c’était de fait à la fin de la guerre une unité internationale comprenant des Norvégiens, des Danois, des Suédois, des Finlandais, des Estoniens, des Hongrois, des Roumains, des Néerlandais, des Espagnols, des Suisses, des Allemands, des Français et même quelques Britanniques. Ils défendirent avec acharnement les ruines de Berlin avec l’énergie inutile du désespoir. Selon les témoignages, les hommes de la Charlemagne détruisirent plus de 70 chars soviétiques dans de violents combats de rue qui eurent lieu dans les derniers jours du mois d’avril et jusqu’à la capitulation de Berlin, le 2 mai 1945.

Ceux qui ne furent pas tués ou fusillés par les Soviétiques furent traduit lorsque cela fut possible devant les tribunaux. L’un d’eux, dont les romans sont toujours recherchés, était Marc Augier, dit Saint-Loup (1908-1990). Il écrivit beaucoup sur l’histoire et la destinée de ceux qui avaient choisi la collaboration et l’Allemagne plutôt que la France, du moins la France de la démocratie et de la République. Henri Fenet survécut à la fournaise de Berlin, il fut décoré de la Croix de Fer, l’une des plus hautes décorations allemandes. Fait prisonnier par les Soviétiques, il fut libéré mais reconnu en France et condamné à 20 ans de travaux forcés pour trahison et port de l’uniforme de la Waffen SS. Etrangement, il fut relâché bien avant la fin de sa peine, en 1959. Jamais amendé et toujours farouchement attaché à la cause nazie, Henri Fenet devait défrayer la chronique en 1998 en pointant du doigt les résultats de la Seconde Guerre mondiale et en affirmant son antibolchevisme viscéral.

Certains Waffen SS français combattirent contre les Américains, notamment ceux du régiment Hersche, une colonne de marche qui après une course-poursuite en Thuringe, fut acculée à la reddition après des combats retardateurs. Des rescapés poursuivirent le combat en Autriche et dans le Tyrol et ne capitulèrent qu’au début de mai. Une poignée d’entre eux furent livrés à la 2e DB du général Leclerc et interrogés par ses soins. Ils furent exécutés sans autre forme de procès à Bad Reichenhall dans une clairière et laissés sans sépulture avant que les Américains ne les enterrent. Une polémique qui ressurgit régulièrement met en cause le héros du serment de Koufra avant de retomber dans les limbes où elle devrait rester. Marc Augier, qui avait été condamné à mort par contumace en 1948, fut finalement lui aussi gracié dès 1953, et Fenet en 1959.

Cette histoire rappelle que durant de longues décennies, la France n’a pas voulu se regarder dans le miroir. Paul Touvier le célèbre milicien, fut lui aussi gracié en 1971 avant d'être enfin rattrapé par la justice qui prononça d’abord de manière incroyable un non-lieu en 1992 avant de le condamner à la réclusion à perpétuité en 1994, un peu plus de deux ans avant sa mort… Maurice Papon sera le dernier des collaborateurs condamné par la justice française pour crimes contre l’humanité en 1998… et libéré pour raisons de santé en 2002 avant de décéder en 2007 à un âge canonique. Une autre personne, compagnon et ami de François Mitterrand qui fut probablement le Français ayant le plus de responsabilités dans les crimes contre l’humanité, ne devait jamais être jugé : René Bousquet fut assassiné en 1993, et l’un des responsables directs de la fameuse Rafle du Vel’ d’Hiv échappa ainsi au déshonneur d’un procès.

Les joies de la victoire et de l’armistice du 8 mai 1945 ne doivent pas faire oublier aux Français qu’il y eut aussi « ceux-là », les fameux Hérétiquesde Saint-Loup. La France ne doit jamais les honorer mais elle ne doit pas oublier qu'en son sein, il y eut l’infamie. Il n’y avait pas beaucoup de Jean Moulin en 1940… Le premier fusillé à Paris fut Jacques Bonsergent, le 10 novembre 1940. Une station de métro honore aujourd’hui sa mémoire. En face, il est étonnant de voir combien les responsables ont été nombreux à mourir de leur belle mort dans un lit…/OS

© Flickr.com/Ghirigori Baumann/cc-by-nc-sa 3.0
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