Visages de l’histoire russe. Sergueï Essénine

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Sergueï Essénine est considéré comme le poète le plus à l’image de la Russie. Plusieurs générations de Russes grandirent avec nombre de ses poésies, mises en musique. Et cela en dépit des décennies d’interdit de son œuvre sous le pouvoir soviétique. Le destin du poète fait à bien des égards écho à celui de son pays.

Le futur poète naquit en 1895 dans le bourg ancien de Konstantinovo du gouvernement de Riazan. Le paysage y est fort beau : le large fleuve Oka, des champs, des prés – des étendues à perte de vue. Les douleurs et les joies de la Russie paysanne, sa beauté et ses vastes horizons sont le thème majeur des vers du poète Essénine. Il le nota peu avant sa mort : « Ma poésie lyrique vit d’un seul grand amour, celui de la Patrie. Le sens de la Patrie est le principal dans mon œuvre ».

Il est très difficile, voire impossible de traduire la poésie de Sergueï Essénine en une autre langue. Ses vers très mélodieux, son lyrisme firent de lui l’un des premiers poètes de son temps. Temps de grands changements, quand le pays rural, patriarcal se transformait au prix des efforts incroyables en une grande puissance industrielle. La Russie le paya de millions de ses vies, disparues dans les flammes de la révolution et de la guerre civile. Dans la première moitié des années 20 du siècle dernier les poésies de Sergueï Essénine devinrent la voix du peuple russe.

Le jeune talent venu en 1912 à Moscou avant de devenir un poète connu travailla d’abord comme commis dans une boutique, puis comme correcteur dans une grande imprimerie. Ici, dans le milieu ouvrier, Essénine se passionna pour les idées révolutionnaires. Il essaya d’écrire des poésies à vocation sociale (« Prophète »), mais son talent excellait en autre chose. Aussi sa première poésie à être publiée fut « Le Bouleau » lyrique : il savait chanter la nature russe comme aucun autre.

Rêvant de la transfiguration du pays, de sa profonde rénovation spirituelle, le jeune poète accueillit avec enthousiasme la révolution de 1917. Or le nouveau pouvoir – dur et implacable - apporta des changements absolument différents de ceux, dont il rêvait. La révolution a démoli le mode ancien, patriarcal de la campagne russe, en imposant des valeurs nouvelles, étrangères aux traditions séculaires de la paysannerie. Toute opposition était noyée dans le sang. Ce qui fait écrire à Essénine des vers pleins d’amertume : « Russie ! Pays agréable à mon cœur ! Mon âme se fend de douleur ».

Mais en apparence tout allait bien pour Essénine – il parvint à conquérir Moscou et Petrograd. Le fils de paysan fut vite accepté par la bohème de la capitale, devint l’étoile montante des salons littéraires. Il eut pour épouses la danseuse américaine Isadora Duncan et la petite-fille de Léon Tolstoï, Sofia.

Vedette mondiale, Isadora montra à Essénine l’Europe et l’Amérique. Or la civilisation occidentale s’avéra étrangère au poète, l’homme « trop russe ». A tout propos et hors de propos le poète cherchait à la défier. De là ses incessants scandales et débauches dans des hôtels et restaurants à l’étranger. D’ailleurs, il avait cette réputation aussi dans son pays. Il s’appelait un « noceur moscovite » s’adonnant sans retenue à la débauche de table. A l’étranger Essénine s’obstinait de ne parler qu’en russe.

Malgré de sa tendance à impressionner, Essénine ne pouvait ne pas reconnaître les côtés forts de la civilisation occidentale : « Le monde où je vivais avant m’a paru très ridicule et inepte. Je me suis rappelé…notre campagne, où dans l’izba de presque chaque paysan un veau dort sur la paille ou une truie avec ses porcelets, je me suis souvenu après des chaussées allemandes et belges nos routes impraticables ». Essénine admirait la puissance montante des Etats-Unis et s’étonnait de l’absence d’une vie spirituelle profonde de leurs citoyens : « Un Américain est entièrement pris par son business et ne veut savoir rien d’autre ». Voici la conclusion que Essénine tire de ses voyages à l’étranger : « Le meilleur de ce que j’ai vu dans ce monde, est tout de même Moscou ».

Mais à Moscou la vie du poète n’était pas heureuse. Il se sentait partout étranger – en Occident, en Russie, dans la ville et à la campagne. Venu un an avant sa mort à Konstantinovo natal, il s’étonnait : Tout est nouveau et méconnaissable. Tout est très bizarre ». Dans l’un de ses poèmes derniers poèmes Essénine compare la Rous paysanne qui s’en va au poulain devancé par une locomotive de fer – symbole de l’industrialisation. Le paysan de Riazan comprit que ce train le dépassait aussi. La Russie du poète s’en allait, et lui avec elle, ne pouvant trouver sa place dans la vie nouvelle. D’après la version officielle, le 28 décembre 1925 Sergueï Essénine se suicida à l’âge de 30 ans. Avant sa mort il a écrit une poésie d’adieu avec son propre sang.

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