Comment les policiers ont justifié les coups portés sur le producteur de musique à Paris

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Quatre policiers ont été suspendus de leurs fonctions dans l’affaire du producteur de musique tabassé dans le XVIIe arrondissement de Paris. S’ils ne nient pas avoir porté des coups dans leur procès-verbal rédigé le soir même, c’est la justification de ceux-ci qui a été épinglée, et contredite par les images de vidéosurveillance du studio.

Les images ont fait le tour des médias et des réseaux sociaux. Samedi 21 novembre, le producteur de musique Michel Zecler a été roué de coups par trois fonctionnaires dans l’entrée de son studio dans le XVIIe arrondissement de Paris. La vidéosurveillance et sa version des faits recueillies par le média Loopsider ont démontré que les policiers, désormais suspendus, avaient menti dans leur procès-verbal, dont une partie a été révélée sur le site Actu17.

Les policiers y indiquent dans un premier temps l’avoir aperçu sans masque alors que «l’individu ne cesse de jeter des coups d’œil en direction de notre véhicule sérigraphié, paraissant nerveux». Alors qu’ils s’approchent de lui pour procéder à son contrôle, ils affirment sentir une «forte odeur de matière stupéfiante», précisant qu’il porte une sacoche en bandoulière.

Selon leur rapport, rédigé le soir des faits, l’homme qu’ils tentaient d’interpeller a refusé à plusieurs reprises de s’arrêter à la demande des agents, «tout en continuant à marcher rapidement». Michel Zecler tentait en fait de rentrer dans son studio. «L’individu avec sa force nous a entrainés jusqu’à la porte en métal malgré nos injonctions et le fait que nous le saisissions», décrit alors l’un des fonctionnaires.

C’est là que leur version diverge de la vidéosurveillance du studio rendue publique, et qui montre les policiers entrer dans le local en frappant le producteur à coups de poing, de pied et de matraque. «Celui-ci se débat et nous repousse à plusieurs reprises avec ses bras en tentant de nous porter des coups», poursuit le document. Or, l’homme en question ne semble que se défendre, se protégeant le visage et le corps pendant environ cinq minutes.

«Ils ont perdu les pédales»

Ne parvenant pas à maîtriser l’individu, les policiers reconnaissent alors l’emploi de la force dans leur procès-verbal, mais affirment qu’il a tenté de s’emparer de leur arme de service. «Le gardien se saisit de sa matraque télescopique et en porte plusieurs coups au niveau du ventre, des jambes, des bras de l’homme. Ce dernier semble totalement insensible à la douleur et parvient à se saisir de la matraque télescopique par le bout. Il tente de s’en emparer».

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«Ce dernier devient dangereux à notre égard, nous trouvant dans un milieu clos, qui ne nous permet que peu de mouvements, nous sommes contraints d’effectuer, via les gestes techniques et professionnels, une amenée au sol de l’individu», justifient les fonctionnaires.

Un policier de la BAC parisienne a analysé les images sur Actu17: «Les coups des policiers sont clairement disproportionnés et choquent, d’autant qu’on ne voit pas l’homme en porter sur la vidéo. Il résiste mais ne se montre pas violent sur cette séquence». Selon cette source, les policiers «se sont retrouvés confrontés à un homme qui a un imposant gabarit», rendant la maîtrise difficile. «Ils ont perdu les pédales», conclut-il.

Grenade lacrymogène

Dans un second temps, des jeunes se trouvant au sous-sol du studio sont parvenus à remonter vers l’entrée et à repousser les policiers à l’extérieur du bâtiment. Les renforts arrivés, les policiers tentent d’enfoncer la porte et jettent une grenade lacrymogène à l’intérieur de la pièce, une arme normalement utilisée en extérieur.

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La fumée se propage et ne permet plus à la vidéosurveillance d’observer ce qu’il se passe. Selon le récit du producteur, l’un des agents l’a braqué avec son arme. Finalement interpellé, il a passé 48 heures en garde à vue pour «violences sur personne dépositaire de l’autorité publique» et «rébellion». «Je n’ai rien fait pour mériter ça. Je n’ai rien fait du tout. Je n’ai pas mis de coup de poing», assure toutefois l’interpellé.

Policiers suspendus

Le parquet de Paris a alors classé l’enquête sans suite. Après avoir pris connaissance des images de la caméra de surveillance, il a ouvert une autre enquête, cette fois visant les trois policiers, un brigadier et deux gardiens de la paix, pour «violences par personnes dépositaires de l’autorité publique» et «faux en écriture publique». L’IGPN a été saisie de l’affaire.

À la demande du ministre de l’Intérieur, les trois policiers ont été suspendus, ainsi qu’un quatrième qui a lancé la grenade lacrymogène. «Je demanderai la révocation de ces policiers. Ils ont sali l'uniforme de la République», a réagi Gérald Darmanin jeudi 26 novembre sur France 2.

L’affaire intervient juste après l’adoption par l’Assemblée nationale de la loi Sécurité globale et son article controversé sur la diffusion d’images de policiers et gendarmes. «Mon client a eu la chance d’avoir ces vidéos, permettant de dénoncer ces actes, certes isolés mais qui existent. Si on n’avait pas cela, évidement qu’il serait en détention», a déclaré l’avocate de la victime, Me Hafida El Ali.

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