«Éliminez ces traîtres»: pour Linda Kebbab, les membres du groupe de rap 13 Block sont «des débiles profonds»

© SputnikLinda Kebbab, déléguée nationale du syndicat Unité SGP Police FO
Linda Kebbab, déléguée nationale du syndicat Unité SGP Police FO - Sputnik Afrique, 1920, 26.05.2021
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Dans son morceau «Traîtres», le groupe de rap de Sevran 13 Block appelle à éliminer Linda Kebbab. La policière a porté plainte en décembre dernier. Une action qui n’a toujours rien donné. La liberté d’expression ne devrait pas permettre de telles «incitations au meurtre» en toute impunité, soutient la syndicaliste.

Au quotidien, les menaces ne laissent pas Linda Kebbab indemne. «On change complètement sa façon de vivre, sa façon de se déplacer à l’extérieur, on reste sur ses gardes», rapporte-t-elle. «On s’inquiète pour sa famille et ses proches», poursuit la policière.

Des insultes et des menaces, la jeune femme en reçoit continuellement. Mais, quand elle a été visée par le groupe de rap de Sevran (Seine-Saint-Denis), elle n’a rien voulu laisser passer:

«C’est qui les criminels? C’est nous/ Pourtant les tueurs sont l’Asie/ F*ck Linda, F*ck Zineb/Aux yeux d’ce bled, ils sous soumis/ Éliminez ces tes-traî [traîtres, ndlr]/ J’élimine ces tes-traî.»

Dans son morceau «Traîtres», paru sur l’album Blo II, sorti en novembre dernier, le groupe de rap appelle à «éliminer» les «traîtres». Des cibles nommément citées: Linda Kebbab, policière et déléguée nationale Unité SGP Police FO, et l’essayiste Zineb El Razaoui. La syndicaliste a porté plainte en décembre dernier auprès du tribunal judiciaire de Paris contre les membres de 13 Block, et de leurs complice éventuels, pour «provocation à une atteinte volontaire à la vie». Un délit passible de cinq ans d’emprisonnement. En novembre 2019, les rappeurs avaient déjà fait l’objet d’une plainte de l’État pour «injure publique envers la Police nationale» pour leur titre «F*ck le 17». Ils lançaient notamment: «Ils sont pas plus gangs que nous, moi j’te l’dis, moi. Vas-y n*que la police».

La jurisprudence Youssoupha?

Pour Linda Kebbab, ces nouvelles «punchlines» sont «inacceptables». Et pour cause, ce sont tout simplement des «incitations au meurtre», affirme la syndicaliste.

«C’est assez inconcevable dans un pays comme la France qui prétend être en mesure de défendre chaque personne sur son territoire, de devoir être sur ses gardes comme si finalement l’État n’était plus capable de jouer son rôle», fustige Linda Kebbab.

Outre les possibles risques d’agressions physiques, ce sont les accusations de traîtrise et «l’assignation de destin» qui provoquent le courroux de la policière.

«Ce sont des débiles profonds: ils pensent que les origines, la religion doivent dicter notre profession. En quoi être un flic c’est être un traître? […] Pour certains esprits étriqués et racistes, il y a encore une incompatibilité à être français d’origine extra-européenne et policier», dénonce-t-elle au micro de Sputnik.

Cependant, si ces propos outranciers peuvent légitimement choquer, ne relèveraient-ils pas de la liberté d’expression? L’affaire de Youssoupha contre Éric Zemmour pourrait faire jurisprudence. Dans le titre «À force de le dire», le rappeur vitupérait: «À force de juger nos gueules les gens le savent qu’à la télé souvent les chroniqueurs diabolisent les banlieusards/Chaque fois que ça pète on dit que c’est nous... J’mets un billet sur la tête de celui qui fera taire ce con d’Éric Zemmour.» Le journaliste avait alors porté plainte en 2009 pour injure et diffamation. S’il avait obtenu gain de cause en première instance, la Cour d’appel de Paris avait finalement donné raison au rappeur en 2012, expliquant que le rap est «un style artistique permettant un recours possible à une certaine dose d’exagération».

Silence radio au ministère, qui connaît pourtant la chanson!

Un argument bien loin de convaincre Linda Kebbab: «À quel moment est-ce de l’art d’appeler à éliminer des gens? En réalité, on banalise et on accepte les incitations à attenter à la vie.» Il appartiendrait à l’État de ne pas laisser perdurer un sentiment d’impunité. «Pourquoi ils s’en priveraient puisque, aujourd’hui, on peut balancer des  incitations au meurtre librement dans l’espace public, sans que l’État se mette en branle?» regrette-t-elle. D’autant plus que le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, n’a eu de cesse de s’ériger en héraut de l’honneur des policiers:

«Il y a quelques semaines, le ministre disait que l’État déposerait plainte aux côtés de chaque agent qui serait ciblé par rapport à sa fonction. En attendant, dans mon cas, il n’y a rien. […] Et que l’on ne vienne pas me faire croire que mon institution n’est pas au courant de cette chanson.»

En cas de drame, il sera vain «de dire “plus jamais ça” et d’allumer des bougies», prévient Linda Kebbab.

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