À 11 voix d'un embarrassant second tour. Ce mercredi 12 septembre, Richard Ferrand vient d'être élu président de l'Assemblée nationale. Si le député du Finistère a obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, il n'a cependant même pas réussi à convaincre la totalité des députés de la République en marche. En effet, sur les 312 députés de LREM, il n'a recueilli que 254 voix. Pis, certains ont voté pour son concurrent Marc Fesneau, chef de groupe Modem. Celui-ci a recueilli 86 voix, alors que le MoDem ne compte que… 47 députés.
Sputnik France: Comment peut-on interpréter ce vote des députés LREM?
Frédéric Saint Clair: J'aurai tendance à l'interpréter de façon strictement personnelle, c'est-à-dire en réduisant la portée politique d'un tel vote. Il me semble que ce soit davantage Richard Ferrand lui-même qui fasse problème au sein de la majorité que la politique d'Emmanuel Macron. À ceci près que les députés MoDem qui n'ont pas voté Richard Ferrand avaient une bonne raison de ne pas le faire et dans ce cas, effectivement, la raison est politique.
Manifestement, ils trouvent que leur ligne politique n'est pas suffisamment prise en compte par le Président de la République. En ce qui concerne la fraction des députés LREM qui n'ont pas voté Richard Ferrand, je pense que, dans leur cas, il s'agit davantage d'un désaveu personnel. J'ai quand même l'impression que dans la majorité, on est encore le doigt sur la couture du pantalon.
Sputnik France: Dans une vidéo réalisée par l'émission Quotidien, on voit la députée Cendra Motin, au micro de LCP, qui justifie le choix de Richard Ferrand ainsi: «on a fait un choix de priorité: celle de faire confiance à la fois au président et au choix du Président de la République». Pour ceux qui n'ont pas voté Ferrand, peut-on y voir un début de fronde?
Richard Ferrand a donc été élu démocratiquement candidat LReM à la présidence de l’Assemblée.
— Quotidien (@Qofficiel) 11 сентября 2018 г.
Sauf si on en croit cette députée qui a lâché la « petite » phrase… 👇#Quotidien pic.twitter.com/1Pcz4pceaO
Frédéric Saint Clair: Je pense que non. Il est encore un peu tôt pour envisager des frondes. Il est certain que les députés qui viennent de la gauche et qui ont rallié Macron ne sont pas forcément satisfaits par les mesures sociales du Président, qui se disait et de droite et de gauche. Puis ceux qui viennent de la société civile, qui clairement ont été invités à participer à l'aventure pour exprimer justement tout ce que la société civile avait à apporter notamment une liberté de ton et d'opinion. Pour tous ces députés qui se rendent compte aujourd'hui que l'on est obligé de voter comme le président de groupe le demande, parce que sinon on est exclu. Effectivement, il doit y avoir un questionnement qui commence à émerger dans les consciences. Sauf qu'il me semble que l'attachement à Emmanuel Macron et au programme qui les a incités à le rallier reste encore très fort. Ils anticipent encore, contre toute attente je dirais, qu'Emmanuel Macron réussira à mettre en place ce programme visant à transformer la France comme ils l'attendaient. On ne peut donc pas encore parler de fronde.
Sputnik France: Pourtant, avec ce vote, on peut dire que la démocratie fonctionne au sein de la majorité, puisque certains députés ont pu voter en leur âme et conscience et donc contre Richard Ferrand.
Frédéric Saint Clair: La partie la plus importante, c'est ce qui va toucher les Français. Que ce soit Richard Ferrand ou un autre, les Français s'en fichent éperdument de qui va être au perchoir, c'est totalement secondaire. En revanche, le vote des lois, la discussion des lois, c'est essentiel. Et là, les députés ne peuvent pas voter autrement que selon la consigne et c'est un vrai problème, car cela veut dire que le parlement est muselé.
Vous allez me dire que ça a toujours été comme ça, les groupes majoritaires ont toujours voté pour le Président. Oui, sauf que les groupes majoritaires à cette époque-là étaient issus d'un parti et on pouvait imaginer que puisqu'ils étaient dans ce parti depuis tant d'années, c'est qu'ils avaient adhéré globalement à l'idée du parti, donc sur quelque chose qui était construit sur le long terme. De fait, ce parti était le produit d'une histoire.
Une vraie question émerge: est-ce que ces députés issus de la société civile vont continuer de renier ce qui les a fait adhérer à Emmanuel Macron, c'est-à-dire, cette liberté, cette volonté de faire de la politique autrement? Finalement, ils font de la politique même pas comme hier, mais comme avant-hier. Cette fraction de la majorité va-t-elle continuer à se taire? Il faudrait, sans qu'il y ait de fronde, que la majorité puisse être libre de voter les lois, de les discuter et de faire entendre un son de cloche différent de celui d'Emmanuel Macron. Ce n'est pas le cas et c'est inquiétant.