Un ex-colonel de l’Armée de l’air: en Algérie, «il y a une contre-révolution»

© AFP 2023 RYAD KRAMDIManifestants en Algérie
Manifestants en Algérie  - Sputnik Afrique
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Manifestations, situation au Sahel, récente résolution du Parlement européen sur la situation des libertés en Algérie: à l’approche de la présidentielle qui se déroule dans un climat politique, économique et régional tendu, un ex-colonel de l'Armée de l'air algérienne aborde au micro de Sputnik un large éventail de questions d’actualité.

Alors que l’Algérie, où un mouvement de contestation se poursuit depuis le 22 février 2019, s’apprête à vivre le 12 décembre un scrutin présidentiel présenté comme libre et indépendant, des voix continuent de s’élever pour mettre en doute ses crédibilité et transparence, et dénoncer un vote qui serait, d’après elles, arrangé.

Le Hirak est «manipulé»

Commentant la situation dans un entretien accordé à Sputnik, Mokhtar Saïd Mediouni, ex-colonel de l'Armée de l'air algérienne, admet que ce que connaît l’Algérie depuis février dernier est un «mouvement populaire extraordinaire», qui a libéré plusieurs secteurs allant de celui de la justice à celui des médias. Toutefois, il rappelle l’existence de ce qu’il qualifie de «manipulations alliées».

«Il y a ce qu’on appelle l’Institut CANVAS en Serbie qui forme à ce qu’on appelle aujourd’hui des révolutions pacifiques ou révolutions de couleurs. Donc, ces gens-là sont formés dans des centres-là pour organiser d’abord ce qu’on appelle un soulèvement pacifique», explique-t-il.

Quand le journaliste de Sputnik lui demande de confirmer que son idée est que le Hirak est infiltré, il répond:

«Le Hirak est non seulement infiltré, il est manipulé. Ce n’est plus le mouvement qui s’est soulevé le 22 février parce que vous voyez  très bien, même vous à l’étranger, que les revendications, elles, montent crescendo. […]Ce mouvement, tel qu’il est aujourd’hui, n’est plus le mouvement du 22 février, c’est un mouvement qui est noyauté par des mouvements qui sont connus. Ce qu’on est en train de voir aujourd’hui tous les vendredis, ce n’est pas innocent».

D’une révolution à une contre-révolution?

Et de souligner qu’il existe des complots contre l’Algérie et que ce qu’il se passe aujourd’hui, ce sont les résultats de ces projets visant le pays, et que c’est avec de l’argent détourné que sont alimentées les protestations.

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«Quand on voit tous ces activistes, pseudo-activistes sur les réseaux sociaux, qui sont installés à Londres, qui sont installés à Paris, qui sont installés dans des capitales européen[ne]s, qui appellent au meurtre des Algériens, moi, je pense –moi, je l’ai dit plusieurs fois dans des interviews, dans mes interventions– qu’il y a une contre-révolution».

Mokhtar Saïd Mediouni explique que cette contre-révolution est visible à travers ce qu’il se passe sur les réseaux sociaux, où on assiste à des accusations, diffamations et même appel à attenter à la vie de personnes.

«Donc, aujourd’hui, ce Hirak n’est plus le Hirak du 22. Mais, chez la majorité du peuple –si vous le permettez– il y a une tendance qui va vers les élections».

Le Parlement européen «aurait pu intervenir»

Concernant la récente résolution du Parlement européen sur la situation des libertés en Algérie, qui a notamment invité Alger «à assurer et à garantir le droit à la liberté d’expression, d'association et de réunion pacifique et à la liberté des médias», l’interlocuteur de Sputnik explique qu’il n’a pas été prêté attention au fait que le Hirak empêche les candidats de faire campagne.

«C’est le Hirak qui est devenu antidémocratique. […] Logiquement, le Parlement européen, qui se dit démocrate et terre des droits de l’Homme, aurait pu intervenir dans ce sens-là, entre les gens du Hirak, qui sont à l’intérieur du Hirak et qui empêchent le cours de la démocratie».

Il rappelle les cas où des daïra et des APC ont été murés.

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«Ce n’est même pas de l’antidémocratisme, c’est du fascisme, parce que même dans une commune de 50 habitants, s’il y en a 49 qui ne votent pas, ils n’ont pas le droit de murer la mairie parce qu’il y a un qui a voulu voter».

Deux poids deux mesures dans l’approche des droits de l’Homme

L’ancien colonel s’adresse aux Européens, y compris aux Français: «Vous allez en Afrique, vous détruisez des pays, vous assassinez des Présidents élus, vous mettez le chaos et quand les Africains arrivent et meurent par milliers dans la mer Méditerranée, vous les bloquez et vous les placez comme des animaux dans les camps. Est-ce que c’est cela les droits de l’Homme?».

Et de poursuivre, notant la nécessité de revoir le concept des droits de l’Homme:

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«Je parlerai des droits de l’Homme le jour où les droits de l’Homme seront un principe où il n’y a pas de couleur, où il n’y a pas de religion, où il n’y a pas de situation géographique parce que si vous êtes Africain, vous n’avez pas le droit d’être un homme. Si vous êtes de couleur, vous n’avez pas le droit d’être un homme et si vous êtes musulman ou d’une autre religion, vous n’avez pas les mêmes droits que les autres Européens».

La déstabilisation de l’Afrique «fait le jeu des Européens»

Abordant la situation dans la région, il attire l’attention sur les conséquences de ce qu’il s’est passé en Libye en 2011.

«La destruction de l’État libyen, la mise dans le désert libyen de cette quantité d’armement extraordinaire a fait apparaître des groupes terroristes tels que Boko Haram*, AQMI*, l’État Islamique* aujourd’hui», pointe-t-il, estimant que «la déstabilisation de l’Afrique actuellement, elle fait le jeu des Européens parce qu’ils continuent à prendre en toute impunité les richesses de ces pays».

Il prend l’exemple de la crise au Mali et estime que la résolution du conflit par un biais diplomatique ne servait pas les intérêts de pays occidentaux, donc ont vu le jour le G5 Sahel et la force Barkhane.

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Selon lui, la lutte antiterroriste devrait être globale et il faut soutenir l’Afrique en lui rendant «les richesses qui lui ont été volées».

«Créer de la richesse en Afrique, créer de l’industrie en Afrique, […] sédentariser les Africains. L’Africain, ce n’est pas un suicidaire, il n’a pas envie de traverser les mers. L’Africain, s’il avait trouvé un avenir, s’il avait un brin d’espoir en Afrique, il ne quittera[it] pas son continent parce que l’Afrique, elle est riche», conclut-il.

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