Pourquoi le musée russe de l’Ermitage a-t-il dû s’expliquer après une plainte visant des «sculptures de nu»?

© Sputnik . Alexander Galperin / Accéder à la base multimédiaMusée de l'Ermitage
Musée de l'Ermitage - Sputnik Afrique, 1920, 09.04.2021
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Une femme visitant le plus grand musée d’art de Russie s’est officiellement plainte de la présence de «sculptures de nu» dans la collection. L’administration de la ville a été obligée de donner suite à l’affaire, et le musée de se justifier. Un expert en art a expliqué à Sputnik en quoi cela était infondé.

Le musée de l'Ermitage, à Saint-Pétersbourg, a reçu une plainte officielle de l’administration municipale faisant suite à celle d’une visiteuse, datant de mars dernier, laquelle prétend que les sculptures de nu pourraient avoir une mauvaise influence sur les enfants et devraient être placées dans une pièce réservée aux adultes.

Mikhaïl Piotrovski, le directeur général du musée, s’est dit «navré» de voir que le public s’intéressait trop à une question rebattue.

«J'ai ri une fois quand quelqu'un nous a dit: "rassemblez toutes vos sculptures de nu dans une seule pièce et placez un panneau 18+ pour que nos enfants ne soient pas corrompus", a-t-il déclaré à la presse. Mais maintenant, nous avons reçu une plainte officielle d'un organisme officiel, nous y répondons donc».

C’est le printemps?

La lettre elle-même ainsi que la réaction qu’elle a suscitée est pour lui un symptôme qui dit que «tout ne va pas très bien quant à la santé de la société».

«L’Ermitage reçoit un grand nombre de messages d’habitants, de contenu et de tendance variés, marqués de diverses émotions, surtout au printemps», a souligné le musée dans son communiqué officiel.

Lui faisant écho, Valery Fadeev, le chef du Conseil aux droits de l’Homme auprès du Président russe, a dit sans équivoque que les visiteurs suggérant que les sculptures de nu impactent les mineurs devraient être dirigés directement vers un psychiatre.

Contacté par Sputnik, le musée, enseveli sous une vague de demandes de commentaire, s’est refusé à toute explication supplémentaire outre celles publiées sur son site Web.

Des précédents

Dans un entretien accordé à Sputnik, le docteur ès histoire de l'art Nikolaï Ivanov, ancien collaborateur du Musée des Arts décoratifs et appliqués de Saint-Pétersbourg, a expliqué que l’Ermitage recevait régulièrement des plaintes de toute sorte, lesquelles font souvent rire les employés. Parmi les plus retentissantes, il a cité le cas des frères Jake et Dinos Chapman, artistes britanniques dont une exposition consacrée aux atrocités de la guerre (2012) avait vexé le sentiment religieux de certains croyants.

Quatre ans plus tard, une histoire semblable a eu lieu lors d’une rétrospective du plasticien belge Jan Fabre. Incapables de comprendre le message exprimé par l’artiste, destiné à avertir du danger que présente l’Homme pour la nature, un visiteur a cru qu’il humiliait les animaux. Une lettre pleine d’accusations envers le musée a suivi.

Pour répondre à cela, l’Ermitage dispose de connaisseurs d’art de renom, de spécialistes en expositions et en fonctionnement des musées, qui se voient obligés de se justifier devant des profanes qui n’ont pas de notion de l’art, souligne l’expert.

Ne pas falsifier l’Histoire

C’est aux spécialistes expérimentés, aux professionnels de décider quoi et comment exposer car c’est leur réputation qui est en jeu, explique M. Ivanov.

«Le musée n’a pas de censure. Il montre tout ce qu’il y a eu dans l’Histoire de l‘humanité. Et n’a pas le droit de cacher quoi que ce soit». 

Même si, comme en Allemagne par exemple, la croix gammée est prohibée dans l’espace public, à l’intérieur du musée elle doit être exposée car elle fait partie de l’Histoire du pays, ajoute le spécialiste. «Le musée n’a pas le droit de falsifier l’Histoire.»

Les visiteurs votent pour le nu

L'Ermitage est installé dans le Palais d'Hiver, ancienne résidence des empereurs russes de 1762 à 1917. C'est le deuxième plus grand musée d'art au monde avec entre autres des peintures de Léonard de Vinci et de Rembrandt.

Il a connu un autre cas de fausse pudeur en 2016, lorsqu’une habitante s’était plainte d’une sculpture de nu, à savoir une copie du David de Michel-Ange installée en face de l’Ermitage à l’occasion d’une exposition. Après sa plainte, les organisateurs avaient invité les habitants à voter pour savoir si David devrait porter des vêtements. Une majorité écrasante avait refusé.

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