Macron au Liban: cette «déambulation dans les rues ressemblait plus à une campagne à l’adresse des Français»

© AP Photo / Bilal HusseinEmmanuel Macron lors de sa visite à Beyrouth, 6 août 2020
Emmanuel Macron lors de sa visite à Beyrouth, 6 août 2020  - Sputnik Afrique
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Après les terribles explosions qui ont eu lieu à Beyrouth, Emmanuel Macron s’est engagé à venir en aide au Liban, mais a annoncé un «nouveau pacte politique» pour le pays. Une forme d’ingérence dénoncée par certains politiques. Sputnik a interrogé Alexis Poulin, cofondateur du Monde Moderne, pour décrypter les enjeux soulevés par ces déclarations.
«C’est normal que la population se tourne vers ceux qui viennent les aider […] Maintenant, ils vont vite comprendre qu’Emmanuel Macron ne peut pas tout et ne peut certainement pas mettre d’accord des responsables politiques libanais, qui ne sont pas d’accord depuis des mois et qui bloquent le pays.»

Au micro de Sputnik, Alexis Poulin, cofondateur de la revue Le Monde Moderne, pointe du doigt les déclarations du chef de l’État lors de sa visite au Liban, jeudi 6 août. En effet, devant des Beyrouthins qui scandaient dans les rues: «Aidez-nous! Vous êtes notre seul espoir!», «le peuple veut la chute du régime», vilipendant au passage le chef de l’État Michel Aoun, Emmanuel Macron a indiqué vouloir proposer au gouvernement libanais un «nouveau pacte de politique». Le Président de la République a ajouté qu’il reviendrait «le 1er septembre» et a promis que «s’ils [le gouvernement libanais, ndlr] ne savent pas l’obtenir, je prendrai mes responsabilités avec vous.»

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Emmanuel Macron a également insisté sur la nécessité de mettre en place des «initiatives fortes […] pour lutter contre la corruption, pour imposer la transparence, pour mener les réformes que nous connaissons

«Il appartient aux dirigeants aujourd’hui en place, à un peuple souverain, de mettre en œuvre ces décisions», a ajouté le locataire de l’Élysée.

Une déclaration qui a suscité des critiques de la part des membres de l’opposition française et de commentateurs politiques.

Une forme d’ingérence?

C’est le cas de Jean-Luc Mélenchon, chef de file de La France Insoumise (LFI), sur Twitter, qui a «m [is] en garde contre une ingérence dans la vie politique du Liban.» Et de poursuivre, «elle ne sera pas acceptée. Le Liban n’est pas un protectorat français.»

​Alexis Poulin souligne que, probablement après avoir rencontré les différents acteurs politiques libanais, Macron avait changé d’approche lors de la conférence de presse.

«On entendait un autre son de cloche, où Emmanuel Macron disait que ce n’était pas le rôle du Président français de s’immiscer dans la politique libanaise, mais que chacun devait prendre ses responsabilités au niveau national et que lui n’était pas là pour être garant ou quoi que soit, mais qu’il souhaitait organiser une conférence internationale», détaille-t-il.

«Encore une fois, l’empressement d’Emmanuel Macron lui a joué des tours, puisqu’il aurait peut-être fallu attendre la conférence internationale pour faire des annonces plutôt que, galvanisé par la foule, dire n’importe quoi le matin dans les rues de Beyrouth», poursuit l’interlocuteur de Sputnik.

Alexis Poulin estime que cette «déambulation dans les rues de Beyrouth ressemblait plus à une campagne qu’il ferait à l’adresse des Français en disant: “regardez, je peux être populaire en dehors de mon pays, et puis je suis un homme politique courageux, d’envergure internationale, le premier à être allé à Beyrouth dire: je vais vous aider”.»

«Le risque est de se retrouver en bouc émissaire, parce que les discussions vont avancer trop lentement parce qu’il n’y aura pas de changement et on dira: “il a beaucoup parlé, puis il n’a rien fait”.»

Pire encore, «l’empressement d’Emmanuel Macron peut être vu comme la volonté de faire valoir l’intérêt économique des entreprises françaises dans la reconstruction de Beyrouth», analyse Alexis Poulin.

Faire primer les intérêts de la France?

Si les critiques sont nombreuses, le cofondateur du Monde Moderne estime qu’Emmanuel Macron a eu raison de se rendre au Liban. «Il fallait montrer la solidarité du peuple français avec le peuple libanais et répondre rapidement à cette crise majeure, au-delà de l’accident dans le port, une crise libanaise qui dure depuis des mois et qui n’a pas été prise en charge, malgré la conférence du Cèdre en 2018», concède-t-il.

«C’était un geste fort, symbolique, qui dépassait son propre cadre, pour montrer la proximité entre nos deux pays», conclut Alexis Poulin.
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